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texto y sociedad en las letras francesas y francófonas

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Vue de là où elle déambule, Prague est une large écharpe verte de quartiers<br />

paisibles, avec des petites rues jalonnées d’arbres, C’est à cette Prague qu’elle est<br />

attachée, non à celle, somptueuse, du c<strong>en</strong>tre ; […] la Prague de son <strong>en</strong>fance [...].<br />

D’ailleurs, durant toute son émigration c’est cette image qu’elle a gardée comme<br />

emblème de son pays perdu : de petites maisons dans des jardins qui s’ét<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t à<br />

perte de vue sur une terre vallonnée. [...] Elle compr<strong>en</strong>d soudain combi<strong>en</strong> elle aime<br />

cette ville et combi<strong>en</strong> son départ d’ici a dû être douloureux.» (Kundera, 2005 : 153-<br />

154) ; alors que Paris apparaît dans la distance « hostile ; géométrie froide des<br />

av<strong>en</strong>ues... (Kundera, 2005 : 153) ;<br />

La terre d’accueil devi<strong>en</strong>t le nouveau chez moi : « - Quand tu dis chez moi, tu veux<br />

dire... – Au Danemark » (Kundera, 2005 : 182) répond Joseph lorsqu’il est ainsi questionné<br />

par la femme de son ami N. ; or, malgré ce s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de déracinem<strong>en</strong>t face à son chezsoi<br />

originaire, la langue tchèque continue à être cette douce musique familière à laquelle<br />

Joseph s’adonne avec joie après vingt ans hors du pays et de sa langue. Finalem<strong>en</strong>t,<br />

raconter devi<strong>en</strong>t le seul moy<strong>en</strong> d’être ; lors de son r<strong>en</strong>dez-vous avec Joseph, Ir<strong>en</strong>a<br />

s’exprime ainsi : « Tu te r<strong>en</strong>ds compte que personne ici ne m’a jamais posé de question<br />

sur ma vie là-bas ? Pas une seule question ! Jamais ! J’ai toujours l’impression qu’on<br />

veut m’amputer ici de vingt ans de ma vie. [...] Il la compr<strong>en</strong>d, il est d’accord avec tout<br />

ce qu’elle dit. » (Kundera, 2005 : 192-193).<br />

Le Grand Retour, dim<strong>en</strong>sion thématique qui hante tout le récit, réclame comme<br />

intertexte la grande épopée d’Homère.<br />

Ton grand retour. » Répétés, les mots acquir<strong>en</strong>t une telle force que, dans son for<br />

intérieur, Ir<strong>en</strong>a les vit écrits avec des majuscules : Grand Retour. [...] la maison<br />

natale que chacun porte <strong>en</strong> soi ; le s<strong>en</strong>tier redécouvert où sont restés gravés les pas<br />

perdus de l’<strong>en</strong>fance ; Ulysse qui revoit son île après des années d’errance ; le<br />

retour, le retour, la grande magie du retour. (Kundera, 2005 : 9).<br />

Ce c<strong>las</strong>sique du VIIIe siècle avant notre ère, nous rappelle que c’est <strong>en</strong> terre<br />

étrange où le récit de l’expéri<strong>en</strong>ce de l’exil est apprécié. La condition d’étranger et le<br />

besoin de raconter vont de pair pour celui v<strong>en</strong>u d’ailleurs, tandis que chez soi, on ne<br />

raconte pas les av<strong>en</strong>tures vécues ailleurs 2 . Ainsi lit-on :<br />

Après avoir quitté Calypso, p<strong>en</strong>dant son voyage de retour, il avait fait naufrage <strong>en</strong><br />

2 Ce désir de dire et d’être écouté nous les trouvons égalem<strong>en</strong>t dans le premier roman de François Ch<strong>en</strong>g,<br />

Le Dit de Tianyi. La r<strong>en</strong>contre du jeune Tianyi, exilé à Paris, avec les autres « étrangers » suscite la<br />

réflexion sur le besoin de raconter ; ainsi nous lisons : « [...] L’Arméni<strong>en</strong> [...] était un solitaire, <strong>en</strong> ce s<strong>en</strong>s<br />

qu’il n’arrivait pas à raconter sa vie <strong>en</strong>tière à quelqu’un et par là à se la raconter à lui même. [...] Ne pas<br />

pouvoir joindre la vie antérieure à la vie prés<strong>en</strong>te, ne pas pouvoir les raconter <strong>en</strong> <strong>en</strong>tier à quelqu’un, pas<br />

même à soi, telle est la solitude. » (Ch<strong>en</strong>g, 1998 : 224-225)<br />

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