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texto y sociedad en las letras francesas y francófonas

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un vaste paysage à arp<strong>en</strong>ter : un livre de mémoire, non pas un livre d’histoire. Il est<br />

inspiré par les « formes symboliques » d’Ernst Cassirer, pour qui symboles et mythes<br />

étai<strong>en</strong>t des moy<strong>en</strong>s de connaissance du monde, et par la « Mnémosynè » d’Aby<br />

Warburg, fondateur de l’iconologie, observateur de l’héritage c<strong>las</strong>sique de la<br />

R<strong>en</strong>aissance itali<strong>en</strong>ne, qui se lança dans une <strong>en</strong>treprise un peu folle : le repérage de<br />

toute la mémoire iconographique de l’Occid<strong>en</strong>t dans un at<strong>las</strong> d’images, quarante grands<br />

panneaux et mille images c<strong>las</strong>sées suivant par thèmes.<br />

Derrière Curtius, il est aussi possible de remonter au bel article de Sainte-Beuve<br />

sur les c<strong>las</strong>siques comme espace de mémoire. Dans « Qu’est-ce qu’un c<strong>las</strong>sique ? »<br />

(1850), le critique décrit le paysage des lettres à la manière d’un terrain au relief<br />

bousculé, une tradition et non pas une histoire, avec des strates et des résurg<strong>en</strong>ces : « Le<br />

Temple du goût, je le crois, est à refaire ; mais, <strong>en</strong> le rebâtissant, il s’agit simplem<strong>en</strong>t, de<br />

l’agrandir, et qu’il devi<strong>en</strong>ne le Panthéon de tous les nobles humains […]. Pour moi, qui<br />

ne saurais à aucun degré prét<strong>en</strong>dre (c’est trop évid<strong>en</strong>t) à être architecte ou ordonnateur<br />

d’un tel Temple, je me bornerai à exprimer quelques vœux, à concourir <strong>en</strong> quelque sorte<br />

pour le devis. Avant tout je voudrais n’exclure personne <strong>en</strong>tre les dignes, et que chacun<br />

y fût à sa place, depuis le plus libre des génies créateurs et le plus grand des c<strong>las</strong>siques<br />

sans le savoir, Shakespeare, jusqu’au tout dernier des c<strong>las</strong>siques <strong>en</strong> diminutif, Andrieux.<br />

“Il y a plus d’une demeure dans la maison de mon père” : que cela soit vrai du royaume<br />

du beau ici-bas non moins que du royaume des cieux 2 . »<br />

Or Sainte-Beuve a ici attachée une note suggérant sa source : « Goethe, qui est si<br />

favorable à la libre diversité des génies et qui croit tout développem<strong>en</strong>t légitime pourvu<br />

qu’on atteigne à la fin de l’art, a comparé ingénieusem<strong>en</strong>t le Parnasse au mont Serrat <strong>en</strong><br />

Catalogne, lequel est ou était tout peuplé d’ermites et dont chaque d<strong>en</strong>telure recélait son<br />

pieux anachorète : “Le Parnasse, dit-il, est un mont Serrat qui admet quantité<br />

d’établissem<strong>en</strong>ts à ses divers étages : laissez chacun aller et regarder autour de lui, et il<br />

trouvera quelque place à sa conv<strong>en</strong>ance, que ce soit un sommet ou un coin de rocher”. »<br />

Il me fait plaisir, ici, à Lleida, de rappeler quel fut le modèle géographique de la<br />

Weltliteratur, ou mémoire littéraire universelle, de Goethe à Sainte-Beuve et à Curtius,<br />

tolérante et solidaire : « Homère, comme toujours et partout, y serait le premier, le plus<br />

semblable à un dieu ; mais derrière lui, et tel que le cortège des trois rois mages<br />

d’Ori<strong>en</strong>t, se verrai<strong>en</strong>t ces trois poëtes magnifiques, ces trois Homères longtemps ignorés<br />

2 Causeries du lundi, t. III, p. 50-51.<br />

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