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texto y sociedad en las letras francesas y francófonas

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de Ki<strong>en</strong>holz avait provoquée <strong>en</strong> elle, Annie Ernaux n’<strong>en</strong> fait qu’une simple allusion.<br />

Cette femme aux seins nus, <strong>en</strong>core jeune, incarne l’espoir. Le tableau dépasse sa propre<br />

intemporalité marquée par le temps indéfini d’une jeunesse qui semble s’ancrer à la<br />

terre grâce à des racines végétales émergeant d’une jupe noire, d’un drap ou d’un bout<br />

de tissu qui dé-voile 15 un corps de femme dans sa complète nudité. Cep<strong>en</strong>dant si<br />

Dorothea Tanning a peint la nudité des seins comme marque de féminité, de création <strong>en</strong><br />

relation avec le monde végétal, nous allons déposer notre regard sur la délicatesse des<br />

pieds nus <strong>en</strong> contact avec le sol <strong>en</strong> parquet. Les pieds si délicatem<strong>en</strong>t dépeints marqu<strong>en</strong>t<br />

la fragilité, le mouvem<strong>en</strong>t et le pouvoir de la force créatrice de l’être qui se construit. Le<br />

peintre a peint avec ses mains colorées l’œuvre créée. L’écrivain peint avec ses doigts<br />

de musique les mots soufflés par la pulsion créatrice de l’écriture. La mère, que Annie<br />

Ernaux décrit dans Je ne suis pas sortie de ma nuit, est une femme qui perd à cause de<br />

sa maladie progressivem<strong>en</strong>t la faculté de marcher. Ainsi, elle l’att<strong>en</strong>dra souv<strong>en</strong>t<br />

« Prostrée, le visage immobile, relâché » 16 , « je découvre ma mère attachée à son<br />

fauteuil » 17 , « elle ne marchait plus. J’ai dû la lever difficilem<strong>en</strong>t de son fauteuil » 18 ,<br />

« elle att<strong>en</strong>dait dans son fauteuil roulant face à l’asc<strong>en</strong>seur » 19 , « elle ne marche plus.<br />

J’ai pris l’habitude du fauteuil roulant » 20 , et <strong>en</strong>core « elle est dans son décor à nouveau.<br />

Attachée dans son fauteuil, raidie, essayant sans arrêt de se lever, pleine de force, les<br />

yeux sans voir » 21 . Les pieds nus peints par Dorothea Tanning s’apprêt<strong>en</strong>t à traverser<br />

toutes les portes vers l’infini. Ce fait contraste avec l’immobilité de la mère prostrée<br />

dans un fauteuil roulant. Dans ce décor sans fin, où la nuit et le jour se confond<strong>en</strong>t, le<br />

tableau de Tanning permet les retrouvailles avec la femme d’autrefois. La femme<br />

décrite par Ernaux est une femme qui habite depuis des années dans un temps passé. Le<br />

tableau de Tanning dépasse l’espace clos de cette intemporalité –marqué par les<br />

multiples portes ouvertes à l’infini- pour récupérer dans les temps de l’écriture la femme<br />

perdue dans sa nuit.<br />

La femme que Marie Chaix décrit à travers The Wait de Ki<strong>en</strong>holz est une femme<br />

qui vit dans un temps prés<strong>en</strong>t, où l’att<strong>en</strong>te symbolise le passé vécu de celle qui a<br />

15<br />

Nous séparons ce verbe pour bi<strong>en</strong> marquer notre propos, voiler ce que l’auteur ne dévoile pas ou ne<br />

dévoile qu’à peine.<br />

16<br />

ERNAUX, A., Je ne suis pas sortie de ma nuit, op. cit., p. 15.<br />

17<br />

Ibid., p. 58.<br />

18<br />

Ibid., p. 66.<br />

19<br />

Ibid., p. 70.<br />

20<br />

Ibid., p. 74.<br />

21<br />

Ibid., p. 79.<br />

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