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texto y sociedad en las letras francesas y francófonas

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voie publique (Saint-John Perse, 2001, p. 45).<br />

Malgré tout : la séparation et ses conséqu<strong>en</strong>ces, la solitude et la tristesse de ne<br />

pouvoir ri<strong>en</strong> faire pour les si<strong>en</strong>s, vont laisser des traces évid<strong>en</strong>tes dans les lettres et<br />

devi<strong>en</strong>dront les traits marquants de son id<strong>en</strong>tité. Il n’est pas rare de l’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre<br />

s’exclamer : “comm<strong>en</strong>t supporter l’épreuve de ceux qui vous sont chers et pour qui l’on<br />

ne peut ri<strong>en</strong> ?” (Saint-John Perse, 2001, p. 49).<br />

La tristesse prés<strong>en</strong>te, néanmoins, un autre visage lorsqu’on subit les conséqu<strong>en</strong>ces<br />

de la guerre à l’intérieur du pays occupé, lorsque l’on risque sa vie dans “l’armée des<br />

ombres” contre l’occupant. C’est le cas de Mauriac, qui n’ayant plus l’âge de participer<br />

comme combattant, s’<strong>en</strong>gage dans la Résistance avec ses écrits clandestins. Lui, qui<br />

avait participé activem<strong>en</strong>t à la guerre de 14-18, voit revivre les fantômes, les “démons”,<br />

<strong>en</strong> empruntant ses mots, d’une nouvelle guerre. Il connaît les horreurs, la peur et la<br />

souffrance qui se raviv<strong>en</strong>t avec chaque off<strong>en</strong>sive militaire et avec les tragédies<br />

quotidi<strong>en</strong>nes. Pour cette raison il refuse le nouveau conflit et c’est dans ce s<strong>en</strong>s qu’il<br />

confie à son ami Jean Guéh<strong>en</strong>no : “Cette guerre, cette trahison de la Russie, de<br />

l’Allemagne même, <strong>en</strong>vers leur idéal, cette horreur qui reparaît après vingt ans à peine<br />

(qui n’a jamais cessé d’ailleurs dans le monde), ce meurtre d’Abel par Abel, je ne m’y<br />

résigne pas…” (Mauriac, 1981, p. 238). La douleur étant trop forte, les lettres<br />

représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t l’espace pour l’aveu de son “secret désespoir” (Mauriac, 1989, p. 192) dont<br />

il ne peut à peine parler puisqu’il est considéré suspect par les dirigeants nazis d’être<br />

membre de la Résistance. Dorénavant nous verrons Mauriac se plonger dans un sil<strong>en</strong>ce<br />

éloqu<strong>en</strong>t dont cette phrase est somme toute expressive : “Je vous parle littérature<br />

puisqu’il faut se taire sur l’ess<strong>en</strong>tiel” (Mauriac, 1989, p. 211). La lettre, qui est<br />

l’expression de l’histoire personnelle vécue et, <strong>en</strong> conséqu<strong>en</strong>ce, comme explique Nabile<br />

Farès, “le lieu d’une focalisation singulière” 8 , est contrainte à subir l’épreuve du sil<strong>en</strong>ce,<br />

autrem<strong>en</strong>t dit, la c<strong>en</strong>sure. Le “je” doit se taire.<br />

Mise à part les émotions éprouvées par les épistoliers, qui sont des indicateurs<br />

importants de leur id<strong>en</strong>tité, nous pouvons contempler dans les lettres la quotidi<strong>en</strong>neté de<br />

la guerre, le vécu au jour le jour, bref, la métahistoire de la guerre. Ainsi donc, Thomas,<br />

qui déteste celle-ci, surtout après le constat de l’inhumanité et de l’abrutissem<strong>en</strong>t des<br />

hommes par temps de lutte armée, dépeint sa vie quotidi<strong>en</strong>ne sous de noirs contours et<br />

8 Farès, N. (2006). "Écrivains, scripteurs et interprétants". Dans B. Chikhi, M. Quaghebeur (Dir.), Les<br />

Écrivains francophones interprètes de l’Histoire. Entre fiction et dissid<strong>en</strong>ce (p. 15-17). Bruxelles : P.I.E.<br />

Peter Lang S.A. Éditions sci<strong>en</strong>tifiques internationales.<br />

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