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texto y sociedad en las letras francesas y francófonas

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appr<strong>en</strong>dre le détachem<strong>en</strong>t et l’insouciance, l’homme insouciant ne s’attachant ni aux<br />

choses ni aux personnes, « il jouit de tout, pr<strong>en</strong>d le mieux de ce qui est à sa portée, sans<br />

<strong>en</strong>vier un état plus élevé, ni se tourm<strong>en</strong>ter des positions plus fâcheuses. » Mais St<strong>en</strong>dhal<br />

ajoute aussitôt :<br />

Ces principes ne pourront jamais être les mi<strong>en</strong>s ; ils sont diamétralem<strong>en</strong>t opposés à<br />

tout ce que je suis. Mais je crois que je serais beaucoup plus heureux si je m’<strong>en</strong><br />

rapprochais un peu. Je ne plairais pas si fort, mais je serais plus généralem<strong>en</strong>t<br />

goûté, et l’un vaut mieux que l’autre. (20)<br />

En 1805, cette même idée est exprimée avec plus de viol<strong>en</strong>ce :<br />

Je suis donc d’avis que le caractère de la force est de se foutre de tout et d’aller <strong>en</strong><br />

avant. (268)<br />

Mais ce n’est qu’<strong>en</strong> 1835 qu’il formule finalem<strong>en</strong>t la célèbre devise « SFCDT »,<br />

c’est-à-dire « S[e[ F[outre] C[arrém<strong>en</strong>t] D[e] T[out] », comme remède à un mécanisme, dont il<br />

pr<strong>en</strong>d alors consci<strong>en</strong>ce et qui consiste à projeter sur les autres ses propres défauts – ou ses<br />

propres aspirations :<br />

Si le baron Deskonecker ne fût pas arrivé, tu eusses eu égalem<strong>en</strong>t de l’humeur le<br />

matin par quelque autre misère. Donc la source de la gomme est dans l’arbre et non<br />

dans le couteau qui éraille la peau. (J2, 226)<br />

Il ajoutera un peu plus loin que « chaque peuple méprise même davantage celui<br />

qui a un défaut analogue à celui qu’on lui reproche. » (J2, 294).<br />

C’est ainsi de cette fonction spéculaire attribuée aux autres, Nordiques ou Itali<strong>en</strong>s,<br />

r<strong>en</strong>contrés <strong>en</strong>tre autres au cours de ses voyages <strong>en</strong> Allemagne et <strong>en</strong> Italie, sur lesquels<br />

St<strong>en</strong>dhal projett<strong>en</strong>t comme sur un écran ses haines et ses désirs et qui lui permett<strong>en</strong>t de<br />

se découvrir et de se connaître, dont nous voudrions r<strong>en</strong>dre compte à prés<strong>en</strong>t.<br />

Il semble <strong>en</strong> effet que, plus que d’une quête d’altérité exotique, St<strong>en</strong>dhal, dans sa<br />

pratique de ce que Francis Affergan nomme le « versant <strong>en</strong>dotique du voyage » 11 , est <strong>en</strong><br />

réalité <strong>en</strong> quête de sa propre id<strong>en</strong>tité. C’est sans doute la raison pour laquelle, lui qui<br />

aimerait « voyager quatre à cinq mois de l’année », préfère voyager seul : <strong>en</strong>combrants,<br />

<strong>en</strong>nuyeux, bavards, castrateurs, les compagnons de voyage font obstacle à la jouissance,<br />

à l’élévation de l’âme, font perdre les occasions de s<strong>en</strong>tir la grandeur et l’imm<strong>en</strong>sité, de<br />

percevoir les choses avec un regard de poète, comme ce fut le cas devant l’inc<strong>en</strong>die de<br />

Moscou :<br />

11<br />

AFFERGAN F. (1987), Exotisme et altérité. Essai sur les fondem<strong>en</strong>ts d’une critique de<br />

l’anthropologie, PUF, p. 13.<br />

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