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texto y sociedad en las letras francesas y francófonas

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lorsque la narratrice se demande « Est-ce que je vais sortir de cette douleur ? » 37<br />

L’écriture s’avère nécessaire pour assouvir la perte et rejoindre la mère à travers le<br />

passé. Ernaux décrit dans Une femme la photo de mariage de ses par<strong>en</strong>ts :<br />

Sur la photo de mariage, elle a un visage régulier de madone, pâle, avec des<br />

mèches <strong>en</strong> accroche-cœur, sous un voile qui <strong>en</strong>serre la tête et desc<strong>en</strong>d jusqu’aux<br />

yeux. Forte des seins et des hanches, de jolies jambes (la robe ne couvre pas les<br />

g<strong>en</strong>oux). Pas de sourire, une expression tranquille, quelque chose d’amusé, de<br />

curieux dans le regard 38 .<br />

Chaix s’arrête aussi sur la photo de mariage de ses par<strong>en</strong>ts :<br />

Je regarde la photo du mariage, t<strong>en</strong>ds la main vers la triste mariée, le verre est froid<br />

sur le beau visage ourlé de tulle et d’une rangée de petites roses blanches. Un<br />

froissem<strong>en</strong>t de tissu me fait sauter 39 .<br />

Deux photos qui dat<strong>en</strong>t presque de la même période 40 , deux écritures différ<strong>en</strong>tes<br />

qui reflèt<strong>en</strong>t une même douleur, l’écriture d’Ernaux évite de se laisser attraper par<br />

l’émotion pour dev<strong>en</strong>ir une écriture neutre 41 : « Éviter, <strong>en</strong> écrivant, de me laisser aller à<br />

l’émotion » 42 , celle de Chaix décrit minutieusem<strong>en</strong>t les scènes et les émotions. Lecarme<br />

met l’acc<strong>en</strong>t sur ce qu’Ernaux a dénommé une écriture plate. Il souligne « l’abs<strong>en</strong>ce de<br />

métaphores, métonymies et autres tropes » 43 comme une des caractéristiques de<br />

l’écriture chez Ernaux. Ainsi, dans un <strong>en</strong>treti<strong>en</strong> avec Frédéric-Yves Jeannet 44 , elle<br />

souligne n’<strong>en</strong>visager l’écriture que « comme un moy<strong>en</strong> de connaissance » 45 et que la<br />

chose à dire <strong>en</strong>traîne la façon de dire. Quand elle écrit, elle affirme se trouver dans une<br />

autre vie « une sorte de vie parallèle qui est le texte <strong>en</strong> train de s’écrire » 46 . Dans Une<br />

femme et dans Je ne suis pas sortie de ma nuit, cette vie parallèle donne lieu à un<br />

dédoublem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre la mère et la fille qui produit un r<strong>en</strong>versem<strong>en</strong>t mère/fille,<br />

« L’horreur de ce r<strong>en</strong>versem<strong>en</strong>t mère/<strong>en</strong>fant » 47 , « Tout est r<strong>en</strong>versé, maint<strong>en</strong>ant, elle<br />

est ma petite fille. Je ne PEUX pas être sa mère » 48 . Marie Chaix écrivait dans Les<br />

37<br />

ERNAUX, A., Je ne suis pas sortie de ma nuit, op. cit., p. 105.<br />

38<br />

ERNAUX, A., Une femme, op. cit., p. 37.<br />

39<br />

CHAIX, M., Les sil<strong>en</strong>ces ou la vie d’une femme, op. cit., p. 43.<br />

40<br />

Les par<strong>en</strong>ts de Annie Ernaux s’étai<strong>en</strong>t mariés <strong>en</strong> 1928 et ceux de Marie Chaix <strong>en</strong> 1924.<br />

41<br />

ERNAUX, A., Une femme, op. cit., p. 62.<br />

42<br />

ERNAUX, A., Je ne suis pas sortie de ma nuit, op. cit., p. 40.<br />

43<br />

LECARME, J. & LECARME-TABONE, E. (1999), L’autobiographie, Paris, Armand Colin, p. 287.<br />

44<br />

Entreti<strong>en</strong> avec Annie Ernaux (2003), L’écriture comme un couteau, Paris, Stock.<br />

45<br />

CHOLLET, M., « Oublier les mots » une lecture de L’écriture comme un couteau,<br />

http://www.inv<strong>en</strong>taire-inv<strong>en</strong>tion.com<br />

46<br />

Ibid.<br />

47<br />

ERNAUX, A., Je ne suis pas sortie de ma nuit, op. cit., p. 87.<br />

48<br />

Ibid., p. 29.<br />

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