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texto y sociedad en las letras francesas y francófonas

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Une métaphore du réel ?<br />

Quelle conclusion peut-on tirer de cette réflexion sur l’omniprés<strong>en</strong>ce des marques<br />

de commerce dans le roman houellebecqui<strong>en</strong> ? En un premier temps, on serait t<strong>en</strong>té d’y<br />

voir un échec de la littérature, face à un discours concurr<strong>en</strong>t – celui de la publicité –,<br />

pour exprimer le réel. Comme le tranche le narrateur : « La puissance de Nike, Adidas,<br />

Armani, Vuitton, était cela dit indiscutable » (P, p. 263). Suivant cette idée, le texte<br />

littéraire n’aurait plus la capacité, soulignée par Marc Ang<strong>en</strong>ot, de mettre <strong>en</strong> perspective<br />

les diverses formes de discours <strong>en</strong> circulation dans la collectivité, ou, dans le cas<br />

prés<strong>en</strong>t, d’offrir une perspective critique sur le phénomène du branding. Un point de<br />

vue aussi pessimiste se voit confirmé par le héros, Michel, qui, après avoir « r<strong>en</strong>onc[é] à<br />

[s]es études littéraires, bi<strong>en</strong> des années auparavant » (P, p. 81), ne conserve plus aucune<br />

foi <strong>en</strong> la capacité de l’art et de l’esthétique à transfigurer le monde :<br />

Les questions esthétiques et politiques ne sont pas mon fait ; ce n’est pas à moi<br />

qu’il revi<strong>en</strong>t d’inv<strong>en</strong>ter ni d’adopter de nouvelles attitudes, de nouveaux rapports<br />

au monde ; j’y ai r<strong>en</strong>oncé <strong>en</strong> même temps que mes épaules se voûtai<strong>en</strong>t, que mon<br />

visage évoluait vers la tristesse. J’ai assisté à bi<strong>en</strong> des expositions, des vernissages,<br />

des performances demeurées mémorables. Ma conclusion, dorénavant, est<br />

certaine : l’art ne peut pas changer la vie. En tout cas pas la mi<strong>en</strong>ne. (P, p. 21)<br />

En un second temps, toutefois, il serait possible d’inverser la proposition et d’y<br />

voir un échec, non pas de la littérature, mais de la société <strong>en</strong> général. Selon une telle<br />

interprétation, ce ne serait pas tant le texte littéraire qui s’avérerait impuissant à<br />

problématiser la rhétorique publicitaire, à relativiser celle-ci <strong>en</strong> la mettant <strong>en</strong> contact<br />

avec d’autres formes de représ<strong>en</strong>tation, que le « discours social global » qui serait de<br />

plus <strong>en</strong> plus colonisé par la fausse culture du branding, de sorte qu’il n’existerait <strong>en</strong> fait<br />

plus aucune forme alternative d’imaginaire apte à concurr<strong>en</strong>cer l’hégémonie du<br />

phénomène. Pareil constat sociologique se voit d’ailleurs confirmé par l’un des<br />

personnages de Plateforme, qui lance avec désabusem<strong>en</strong>t au narrateur : « La seule chose<br />

que puisse t’offrir le monde occid<strong>en</strong>tal, c’est des produits de marque. » (P, p. 317) Une<br />

telle lecture, qui s’inscrit dans le s<strong>en</strong>s des conclusions de Naomi Klein, ferait de la<br />

publicité une métaphore du réel, non pas tant parce qu’elle permet de saisir et<br />

d’exprimer au mieux les caractéristiques de celui-ci, mais plutôt parce qu’elle semble<br />

s’être abrogée le monopole pour traiter de la question. De fait, <strong>en</strong> accumulant les<br />

référ<strong>en</strong>ces à des marques déposées au sein même de sa narration, le roman<br />

houellebecqui<strong>en</strong> représ<strong>en</strong>te moins une abdication de la littérature, face à l’évolution<br />

réc<strong>en</strong>te de la société, qu’une volonté de témoigner d’une forme inédite d’analogie<br />

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