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texto y sociedad en las letras francesas y francófonas

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d’habitude un usage limité. Le « retournem<strong>en</strong>t » est r<strong>en</strong>du nécessaire et possible par le<br />

besoin de r<strong>en</strong>dre cette parole plus performante et donc capable d’élargir les espaces de<br />

compréh<strong>en</strong>sion et d’abstraction. C’est à ce niveau que nous pouvons parler de travail de<br />

la métaphore qui demande une énergie et un désir de transformation radicale. Cette<br />

transformation est, elle-même, r<strong>en</strong>due possible par les ressources de variation qu’offre<br />

le travail de reconfiguration poétique qui produit un volume sémantique inépuisable.<br />

L’écriture agit dans sa visée refiguratrice au cœur des relations qu’une société<br />

<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>t avec son image, son langage et son dev<strong>en</strong>ir. « Les mots reproduis<strong>en</strong>t, écrit<br />

Roland Barthes, une sorte de hauteur viol<strong>en</strong>te et inatt<strong>en</strong>due. » 2 , et c’est, à la fois, le<br />

pot<strong>en</strong>tiel sémantique et la charge affective des mots, « parés de toute la viol<strong>en</strong>ce de leur<br />

éclatem<strong>en</strong>t » 3 qui leur assure, <strong>en</strong> dernier ressort, un s<strong>en</strong>s virtuel. L’expéri<strong>en</strong>ce d’écriture<br />

est motivée par le désir de r<strong>en</strong>dre aux mots tout leur éclatem<strong>en</strong>t, de les soustraire à la<br />

pauvreté de l’usage quotidi<strong>en</strong>. R<strong>en</strong>é Char note que la parole poétique n’est <strong>en</strong> fin de<br />

compte que ce procédé (« arbitraire heureux ») qui consiste à « donner joie aux mots qui<br />

n’ont pas eu de r<strong>en</strong>te tant leur pauvreté était quotidi<strong>en</strong>ne ». 4 Enrichir les mots, comme<br />

tout procédé de transformation, implique à la fois une promesse et un risque ; promesse<br />

d’ouverture, de t<strong>en</strong>dresse et d’échange, risque aussi de r<strong>en</strong>contre des « images les plus<br />

inhumaines de la Nature ». 5<br />

Lorsque M. Khair-Eddine énonce : « Vous avez détruit la phrase inédite », 6 cela<br />

veut dire que les mots sont toujours énoncés dans la viol<strong>en</strong>ce, et la destruction dont il<br />

est question dans l’énoncé est l’œuvre de ceux qui empêch<strong>en</strong>t les mots de signifier autre<br />

chose que ce qu’ils désir<strong>en</strong>t leur faire dire. Une telle situation ne peut qu’<strong>en</strong>traîner,<br />

évidemm<strong>en</strong>t, pour un écrivain de la dim<strong>en</strong>sion de Khair-Eddine, une réaction tout aussi<br />

viol<strong>en</strong>te et radicale. Toute son expéri<strong>en</strong>ce est sout<strong>en</strong>ue par l’imm<strong>en</strong>se désir de r<strong>en</strong>dre<br />

aux mots leur ess<strong>en</strong>ce originelle telle que la dessine la parole poétique qui se dit, selon<br />

la formule toute rimbaldi<strong>en</strong>ne, dans le dérèglem<strong>en</strong>t de tous les s<strong>en</strong>s. L’expéri<strong>en</strong>ce de<br />

Khair-Eddine dérègle, à son tour, les s<strong>en</strong>s du langage <strong>en</strong> les ouvrant à un « désordre<br />

clairvoyant »7. La parole, à ce niveau, ne se soucie de ri<strong>en</strong> et elle est toute <strong>en</strong>tière prise<br />

dans une sorte de rage destructrice des édifices signifiants. Aussi, quand le même poète,<br />

2<br />

R. Barthes (1953 et 1972), Le Degré zéro de l’écriture, Paris, Editions du Seuil, p. 36.<br />

3<br />

Ibid. p. 39.<br />

4<br />

R. Char (1988), Eloge d’une soupçonnée, Paris, Gallimard, p. 13.<br />

5<br />

R. Barthes, op. cit., P. 39.<br />

6<br />

M. Khair-Eddine (1969), Soleil arachnide, Paris, Editions du Seuil, p. 99<br />

7<br />

Ibid. p. 22.<br />

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