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Mesdames et Messieurs, dans le cadre d'un processus de transition tel que celui qu'il connaît, mon pays, le
Paraguay, se heurte à un paradoxe. D'une part, il est nécessaire de mettre en place la réforme de l'éducation dans le
cadre d'une politique à long terme visant à transformer des structures obsolètes et injustes. Et d'autre part, il est
urgent de mettre en oeuvre une stratégie de révisions et d'ajustements périodiques, afin de répondre à la demande
parallèle de changements à l'intérieur et à l'extérieur du système éducatif. A ce paradoxe, Mesdames et Messieurs,
s'ajoute encore le fait que notre processus démocratique a du mal à véritablement s'institutionnaliser du fait de
l'influence retorse qu'exercent des groupes réactionnaires antidémocratiques et mafieux qui ne supportent pas de
perdre le contrôle d'importants secteurs de l'Etat sur lesquels ils ont la mainmise depuis des temps immémoriaux,
appauvrissant ainsi notre peuple.
(4.2) Le douloureux "mars paraguayen", qui n'évoque peut-être pas grand-chose pour beaucoup d'entre vous,
est le mois au cours duquel un général délinquant qui s'était emparé du pouvoir a ordonné le massacre de jeunes
gens qui luttaient au Congrès en faveur de la liberté et a ordonné la mort violente du Vice-Président de la
République. De cette tragédie et de cette douleur qu'a vécues notre patrie, est né le gouvernement d'unité nationale
qui, sous la direction de Luis Angel González Macchi, s'attache aujourd'hui à restaurer le fonctionnement des
institutions, à approfondir la réforme de l'enseignement et à renforcer la culture de la paix, conditions nécessaires à
l'investissement, au développement et à la justice sociale, dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, cette pauvreté
qui constitue la principale menace à l'égard des processus démocratiques émergents dans nos régions.
(4.3) Lors du mois de "mars paraguayen", à la suite de 188 années de vie indépendante de la République du
Paraguay, pour la première fois, un gouvernement est tombé de par la volonté populaire, malgré les tanks et les
canons qui ont vainement essayé de faire taire l'indignation des citoyens. Certes, nous avons dû payer un lourd
tribu en échange : l'assassinat de l'homme politique paraguayen le plus illustre de cette fin de siècle, le Vice-
Président de la République, un ami, le professeur Luis María Argaña, ainsi que la mort violente de sept jeunes gens
- auxquels se sont ajoutés des centaines de blessés - abattus par les balles de tueurs à gages à la solde du fascisme.
(4.4) L'héroïsme et la dignité dont fait preuve notre peuple, le peuple paraguayen, dans le cadre d'une nouvelle
culture de la citoyenneté qui est l'objectif principal de la réforme de l'enseignement, permettent de mettre un terme
actuellement à un militarisme despotique et corrompu qui, discréditant la noble mission des forces armées de la
nation et portant atteinte à l'honneur de nombreux soldats professionnels intègres, s'est approprié le pouvoir
pendant de nombreuses années, nuisant ainsi gravement aux intérêts supérieurs de la nation qui doit désormais faire
face aux énormes carences engendrées par un fort retard que nous souhaitons rattraper avec le concours de tous les
secteurs et de nos nations soeurs.
(4.5) Le principal défi que nous devons affronter est de faire désormais de l'éducation un moyen de promouvoir
une démocratie stable qui garantisse la paix sociale en offrant une plus grande égalité des chances dans l'accès aux
fruits du progrès. L'heure est venue d'abandonner un modèle de société déséquilibré et obsolète, qui amplifie la
fracture sociale et condamne les pauvres à la marginalité et à la misère.
(4.6) Etant donné le contexte dans lequel nous nous voyons contraints d'inscrire notre histoire, l'éducation qu'il
nous incombe d'instaurer doit donner les moyens aux membres de la société d'être les acteurs collectifs d'un
développement plus complet et de leur émancipation face à toutes les conditions qui perpétuent les injustices et les
inégalités sociales. La refondation de l'éducation revêt également une importance particulière si l'on tient compte
du fait que le processus d'enseignement et d'apprentissage doit contribuer à l'apparition d'une culture de la
démocratie. Dans ce contexte, il est nécessaire de recycler le personnel enseignant, de sorte que son rôle ne se
borne plus désormais à l'exercice aseptisé de sa profession mais s'enrichisse par l'acquisition d'une éthique et d'un
savoir qui soient à même de contribuer à la formation civique qu'exige la démocratie.
(4.7) Notre philosophie de l'éducation ne peut toutefois se limiter à un idéal de coexistence fondée sur le
progrès et l'humanisme. L'éducation concerne également le quotidien et doit répondre au besoin, également
profondément humaniste, de "bien-être". Or cela suppose qu'elle réponde aux besoins en matière de "savoir-faire"
et de "savoir penser". Afin de réduire l'écart qui nous sépare des pays développés, nous devons d'urgence nous
doter de moyens qui nous permettent d'intégrer la société industrielle et compétitive de notre époque et aussi d'être
des membres actifs de la société du savoir. Dans ce but, nous envisageons au Paraguay, à la suite de la parenthèse
fasciste de près de huit mois que nous avons connue, de poursuivre la réforme de l'enseignement aux niveaux
secondaire et supérieur.
(4.8) Si l'objectif général de notre éducation est d'"améliorer la qualité de vie des hommes et des femmes qui
vivent au Paraguay", il est évident que cet important objectif ne peut être atteint sans que l'on tienne compte des
facteurs qui caractérisent le monde moderne et de la perspective dans laquelle celui-ci s'inscrit. Notre université
doit donc nécessairement s'ancrer au coeur même de la science et constituer un centre résolument contemporain de
recherches scientifiques. Ce défi met encore plus en relief l'idée selon laquelle l'éducation doit être considérée
comme un processus de refondation. Il est en effet, évident que la réforme de l'université consistera en sa fondation
sur des bases nouvelles, voire, dans le contexte qui est le nôtre, en une véritable création de l'université. Celle que
nous possédions, et que nous avons toujours, fait rarement honneur à son statut académique, ce qui peut en partie
s'expliquer par le niveau insuffisant de nos ressources humaines, mais est essentiellement dû à la pauvreté des
investissements dans l'enseignement supérieur.
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