13.02.2024 Views

Le choc colonial et l'islam Les politiques religieuses des puissances coloniales en terre de l'islam

" La laïcité est l'arme des nouveaux croisés " proclame aujourd'hui un slogan islamiste. Au-delà de ce jugement abrupt, on doit constater en tout cas que le rapport entre les héritages de la domination coloniale et l'importation de conceptions laïques et/ou sécularisées dans les pays musulmans est aujourd'hui au cœur des problématiques qui fondent les questionnements sur l'islam. Le contexte colonial a en effet manifesté partout les limites d'universalismes européens qui, pour la plupart, puisaient aux sources des Lumières. À l'épreuve de la colonisation, les idéaux émancipateurs sont souvent devenus la légitimation d'entreprises de domination, quand ils n'ont pas été purement et simplement retournés. La non-application de la loi de 1905 aux musulmans de l'Algérie française, le confessionnalisme politique au Liban, le projet sioniste en Palestine, la " question irakienne ", la création du Pakistan sont autant d'exemples qui interrogent ces universalismes. Ce sont ces situations –; et bien d'autres –; que revisitent les auteurs de ce très riche ouvrage collectif. En choisissant de confronter les politiques religieuses des puissances coloniales avec la façon dont elles ont été perçues par les musulmans, ils fournissent les clefs pour comprendre les retours actuels. Une large place est réservée à l'expérience française, mais la problématique est élargie aux autres puissances coloniales européennes : Royaume-Uni et Russie.

" La laïcité est l'arme des nouveaux croisés " proclame aujourd'hui un slogan islamiste. Au-delà de ce jugement abrupt, on doit constater en tout cas que le rapport entre les héritages de la domination coloniale et l'importation de conceptions laïques et/ou sécularisées dans les pays musulmans est aujourd'hui au cœur des problématiques qui fondent les questionnements sur l'islam. Le contexte colonial a en effet manifesté partout les limites d'universalismes européens qui, pour la plupart, puisaient aux sources des Lumières. À l'épreuve de la colonisation, les idéaux émancipateurs sont souvent devenus la légitimation d'entreprises de domination, quand ils n'ont pas été purement et simplement retournés. La non-application de la loi de 1905 aux musulmans de l'Algérie française, le confessionnalisme politique au Liban, le projet sioniste en Palestine, la " question irakienne ", la création du Pakistan sont autant d'exemples qui interrogent ces universalismes. Ce sont ces situations –; et bien d'autres –; que revisitent les auteurs de ce très riche ouvrage collectif. En choisissant de confronter les politiques religieuses des puissances coloniales avec la façon dont elles ont été perçues par les musulmans, ils fournissent les clefs pour comprendre les retours actuels. Une large place est réservée à l'expérience française, mais la problématique est élargie aux autres puissances coloniales européennes : Royaume-Uni et Russie.


SHOW MORE
SHOW LESS
  • No tags were found...

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

100

LE CHOC COLONIAL ET L’ISLAM

Mêmes devoirs et mêmes droits ? Il semble en tout cas le croire.

Même s’il ne les a pas systématisés (sauf dans Le Gouvernement de

l’Algérie), Ferry avait des principes en matière d’administration

coloniale. Dès août 1881, comme président du Conseil 3 , il soutient la

politique des Rattachements visant à centraliser l’Algérie qui entre

ainsi, avec ses départements, dans le système métropolitain d’administration,

dirigé et supervisé depuis Paris. Par le système des

Rattachements, l’Algérie « départementalisée » était entièrement

rattachée à la France. La grande idée de Jules ferry était alors de

conquérir les musulmans par l’école laïque. Mais peu de musulmans

devinrent scolarisés.

L’institution du Gouverneur général, établie par l’ordonnance

royale de 1834, subsiste. Mais ses pouvoirs sont remis en cause. Cette

sorte de vice-roi, à la fois civil et militaire, avait entre ses mains tous

les pouvoirs. Après les décrets de 1881, le Gouverneur général n’est

plus qu’un simple organe de transmission passif et subordonné, comme

un préfet, et il perdra sa raison d’être dès lors que le Rattachement sera

mené à son terme. Pour assimiler, il faut tenir ferme, et ce sont les

organes parisiens, relayés sur place par les préfets qui en ont la charge.

En bonne logique, conformément au dogme assimilationniste du parti

républicain, lors de sa seconde présidence du Conseil, Jules Ferry a

accepté l’extension à l’Algérie de la loi municipale de 1884, autre

façon d’avancer dans la voie de l’assimilation. En Algérie, depuis 1879,

les communes de plein exercice (à population française importante)

avaient été instituées aux côtés des communes mixtes et des communes

indigènes. Cette hiérarchie, destinée à préserver la domination des

colons français sur les collèges d’électeurs et sur les meilleures terres,

se trouvera légitimée par les Rattachements.

Or, huit ans plus tard, au printemps 1892, Jules Ferry fait un voyage

en Algérie à la tête d’une commission sénatoriale. Au cours de ce long

séjour, où il parcourt tout le territoire jusqu’au Tell, il interroge colons

et indigènes et observe les rouages de l’administration. À son retour, il

rédige un rapport de 117 pages qui est édité à la fin de l’année et où il

se démarque avec netteté de la politique d’assimilation chère aux

Républicains, condamnant totalement la politique suivie : c’est le

3. Jules Ferry devient président du Conseil le 25 septembre 1880. Il sera contraint

d’en démissionner l’année suivante, le 10 novembre 1881, alors qu’il demande de

nouveaux crédits pour assurer la présence française au Tonkin. Accusé d’avoir trompé

l’opinion pour son expédition de Tunisie, il doit de plus affronter les accusations de

Clemenceau de collusion entre le gouvernement et les grands intérêts industriels et

bancaires. Il reviendra au pouvoir le 21 février 1883 et sera président du Conseil jusqu’au

30 mars 1885, où il tombera à nouveau victime de sa politique coloniale.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!