13.02.2024 Views

Le choc colonial et l'islam Les politiques religieuses des puissances coloniales en terre de l'islam

" La laïcité est l'arme des nouveaux croisés " proclame aujourd'hui un slogan islamiste. Au-delà de ce jugement abrupt, on doit constater en tout cas que le rapport entre les héritages de la domination coloniale et l'importation de conceptions laïques et/ou sécularisées dans les pays musulmans est aujourd'hui au cœur des problématiques qui fondent les questionnements sur l'islam. Le contexte colonial a en effet manifesté partout les limites d'universalismes européens qui, pour la plupart, puisaient aux sources des Lumières. À l'épreuve de la colonisation, les idéaux émancipateurs sont souvent devenus la légitimation d'entreprises de domination, quand ils n'ont pas été purement et simplement retournés. La non-application de la loi de 1905 aux musulmans de l'Algérie française, le confessionnalisme politique au Liban, le projet sioniste en Palestine, la " question irakienne ", la création du Pakistan sont autant d'exemples qui interrogent ces universalismes. Ce sont ces situations –; et bien d'autres –; que revisitent les auteurs de ce très riche ouvrage collectif. En choisissant de confronter les politiques religieuses des puissances coloniales avec la façon dont elles ont été perçues par les musulmans, ils fournissent les clefs pour comprendre les retours actuels. Une large place est réservée à l'expérience française, mais la problématique est élargie aux autres puissances coloniales européennes : Royaume-Uni et Russie.

" La laïcité est l'arme des nouveaux croisés " proclame aujourd'hui un slogan islamiste. Au-delà de ce jugement abrupt, on doit constater en tout cas que le rapport entre les héritages de la domination coloniale et l'importation de conceptions laïques et/ou sécularisées dans les pays musulmans est aujourd'hui au cœur des problématiques qui fondent les questionnements sur l'islam. Le contexte colonial a en effet manifesté partout les limites d'universalismes européens qui, pour la plupart, puisaient aux sources des Lumières. À l'épreuve de la colonisation, les idéaux émancipateurs sont souvent devenus la légitimation d'entreprises de domination, quand ils n'ont pas été purement et simplement retournés. La non-application de la loi de 1905 aux musulmans de l'Algérie française, le confessionnalisme politique au Liban, le projet sioniste en Palestine, la " question irakienne ", la création du Pakistan sont autant d'exemples qui interrogent ces universalismes. Ce sont ces situations –; et bien d'autres –; que revisitent les auteurs de ce très riche ouvrage collectif. En choisissant de confronter les politiques religieuses des puissances coloniales avec la façon dont elles ont été perçues par les musulmans, ils fournissent les clefs pour comprendre les retours actuels. Une large place est réservée à l'expérience française, mais la problématique est élargie aux autres puissances coloniales européennes : Royaume-Uni et Russie.


SHOW MORE
SHOW LESS
  • No tags were found...

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

LA POLITIQUE COLONIALE DE JULES FERRY 115

nisation, mais, dit-on alors, en trahison des idéaux républicains 7 . La

III e République aurait nié ce que la I e République avait respecté : l’universalité

des droits de l’homme. Clemenceau serait un authentique anticolonial,

républicain et démocrate face à Ferry le colonialiste. Et de

dénoncer que Renan soit, après Tocqueville et Ferry, l’un des

principaux porte-parole de l’idée de l’inégalité des races. Comme si les

droits de l’homme étaient atemporels et qu’ils puissent échapper à tout

contexte historique ! En fait, c’est bien à l’aune d’une vision actuelle de

la colonisation et de ces mêmes droits de l’homme que sont prononcées

ces accusations.

Ainsi, grâce à Clemenceau, les valeurs républicaines sortiraient

indemnes de l’aventure coloniale, puisque la contradiction entre ces

valeurs et la colonisation, telle qu’elle est vue aujourd’hui, ne serait pas

un anachronisme, mais un fait historiquement avéré. La question est

donc de définir s’il y eut véritablement une opposition républicaine à la

colonisation à l’époque de Jules Ferry et, dans l’affirmative, à quelles

motivations elle répondait.

Chef de la gauche radicale, Clemenceau fut un adversaire résolu de

Ferry et de la politique d’expansion coloniale. Fut-il animé par le seul

souci de s’opposer aux Républicains dits opportunistes ou par une

volonté de Revanche après la défaite de 1870 ? Fut-il un doctrinaire de

l’anticolonialisme ou un adversaire tactique du colonialisme, rallié par

l’exercice du pouvoir ? A-t-il ou non participé à la conquête du Maroc

quand il fut au pouvoir d’octobre 1906 à juillet 1909 ?

On l’a vu, Clemenceau s’est opposé de façon virulente à l’expédition

de Tunisie décidée par Ferry. Ce sont ses révélations pour accuser

(le 10 novembre 1881) le gouvernement de Ferry de collusion avec

les grands intérêts industriels et bancaires qui poussèrent Ferry à la

démission. Ferry reviendra au pouvoir en février 1883. En 1885,

Clemenceau dénonçait le discours de Ferry sur les races supérieures et

inférieures dans des termes sans équivoque. Il expliquait face à la

Chambre qu’à ses yeux, l’expansion coloniale est contraire à la démocratie,

aux droits de l’homme et qu’elle vise à détourner des réformes

intérieures. Emporté par son anticléricalisme, il déclarait que la

République laïque doit « refuser toute complicité dans les crimes des

7. On peut notamment citer depuis 2003 : Marc Ferro (2003), Le Livre noir du colonialisme,

Robert Laffont, Paris ; Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Françoise Vergès

(2003), La République coloniale. Essai sur une utopie, Albin Michel, Paris ; Gilles

Manceron (2003) Marianne et les colonies, La Découverte, Paris ; Olivier Le Cour

Grandmaison (2005), Coloniser, exterminer. Sur la guerre et l’État colonial, Fayard,

Paris ; Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Sandrine Lemaire (2005), La Fracture coloniale,

La Découverte, Paris ; Yves Benot (2005), Les Lumières, l’esclavage, la colonisation, La

Découverte, Paris.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!