13.02.2024 Views

Le choc colonial et l'islam Les politiques religieuses des puissances coloniales en terre de l'islam

" La laïcité est l'arme des nouveaux croisés " proclame aujourd'hui un slogan islamiste. Au-delà de ce jugement abrupt, on doit constater en tout cas que le rapport entre les héritages de la domination coloniale et l'importation de conceptions laïques et/ou sécularisées dans les pays musulmans est aujourd'hui au cœur des problématiques qui fondent les questionnements sur l'islam. Le contexte colonial a en effet manifesté partout les limites d'universalismes européens qui, pour la plupart, puisaient aux sources des Lumières. À l'épreuve de la colonisation, les idéaux émancipateurs sont souvent devenus la légitimation d'entreprises de domination, quand ils n'ont pas été purement et simplement retournés. La non-application de la loi de 1905 aux musulmans de l'Algérie française, le confessionnalisme politique au Liban, le projet sioniste en Palestine, la " question irakienne ", la création du Pakistan sont autant d'exemples qui interrogent ces universalismes. Ce sont ces situations –; et bien d'autres –; que revisitent les auteurs de ce très riche ouvrage collectif. En choisissant de confronter les politiques religieuses des puissances coloniales avec la façon dont elles ont été perçues par les musulmans, ils fournissent les clefs pour comprendre les retours actuels. Une large place est réservée à l'expérience française, mais la problématique est élargie aux autres puissances coloniales européennes : Royaume-Uni et Russie.

" La laïcité est l'arme des nouveaux croisés " proclame aujourd'hui un slogan islamiste. Au-delà de ce jugement abrupt, on doit constater en tout cas que le rapport entre les héritages de la domination coloniale et l'importation de conceptions laïques et/ou sécularisées dans les pays musulmans est aujourd'hui au cœur des problématiques qui fondent les questionnements sur l'islam. Le contexte colonial a en effet manifesté partout les limites d'universalismes européens qui, pour la plupart, puisaient aux sources des Lumières. À l'épreuve de la colonisation, les idéaux émancipateurs sont souvent devenus la légitimation d'entreprises de domination, quand ils n'ont pas été purement et simplement retournés. La non-application de la loi de 1905 aux musulmans de l'Algérie française, le confessionnalisme politique au Liban, le projet sioniste en Palestine, la " question irakienne ", la création du Pakistan sont autant d'exemples qui interrogent ces universalismes. Ce sont ces situations –; et bien d'autres –; que revisitent les auteurs de ce très riche ouvrage collectif. En choisissant de confronter les politiques religieuses des puissances coloniales avec la façon dont elles ont été perçues par les musulmans, ils fournissent les clefs pour comprendre les retours actuels. Une large place est réservée à l'expérience française, mais la problématique est élargie aux autres puissances coloniales européennes : Royaume-Uni et Russie.


SHOW MORE
SHOW LESS
  • No tags were found...

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

20

Exporter la laïcité républicaine :

la Mission laïque française en Syrie mandataire,

pays multiconfessionnel

Randi Deguilhem 1

« Respectueuse de toutes les croyances et de toutes les opinions,

la neutralité sera rigoureusement notre règle aussi bien au point de vue

religieux que politique ; tout enseignement, toute propagande, toute

attitude de nature à blesser les consciences ou à heurter les convictions

seront sévèrement interdits aux maîtres comme aux élèves. Nous

estimons que favoriser aux dépens des autres une doctrine, une

croyance, ou un parti fortifierait des germes de discorde qui ne sont

déjà que trop puissants. Ainsi, soigneusement tenus à l’écart de tout ce

qui peut les diviser, élevés au contraire dans un idéal commun de

patriotisme et de tolérance, les enfants syriens apprendront chez nous

la solidarité, sans laquelle votre unité nationale ne serait jamais qu’un

vain mot » [prospectus de l’école MLF, Damas, 1925, Maillard et

Scotto d’Abusco, 1982, p. 212, note 5].

Ainsi va le discours de la Mission laïque française en Syrie

mandataire, pays multiconfessionnel, multiethnique, où l’on parle

plusieurs langues. Par cette publicité destinée à recruter des élèves pour

l’ouverture de l’école de la Mission laïque française à Damas, la MLF

promet une neutralité dans ses enseignements quant aux croyances

religieuses et aux opinions politiques afin d’éviter, dit-elle, « des

germes de discorde qui ne sont déjà que trop puissants » en Syrie…

nous sommes ici en 1925, l’année de la Révolte. La MLF se porte donc

garante d’une éducation qui apprendra aux jeunes syriens la notion

d’une unité nationale qui saurait dépasser les clivages communautaires,

politiques et autres, de la société syrienne.

Des non-dits ? À première vue, plutôt le contraire. Plutôt des déclarations

qui affirment clairement les buts de la Mission laïque française

qui, depuis sa création à Paris le 8 juin 1902, se fixe l’objectif

1. J’exprime ici mes sincères remerciements à la MLF pour m’avoir accordé l’autorisation

de travailler dans ses archives, plus particulièrement M. Denis Paliès, qui m’a

apporté une aide importante dans mes recherches.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!