13.02.2024 Views

Le choc colonial et l'islam Les politiques religieuses des puissances coloniales en terre de l'islam

" La laïcité est l'arme des nouveaux croisés " proclame aujourd'hui un slogan islamiste. Au-delà de ce jugement abrupt, on doit constater en tout cas que le rapport entre les héritages de la domination coloniale et l'importation de conceptions laïques et/ou sécularisées dans les pays musulmans est aujourd'hui au cœur des problématiques qui fondent les questionnements sur l'islam. Le contexte colonial a en effet manifesté partout les limites d'universalismes européens qui, pour la plupart, puisaient aux sources des Lumières. À l'épreuve de la colonisation, les idéaux émancipateurs sont souvent devenus la légitimation d'entreprises de domination, quand ils n'ont pas été purement et simplement retournés. La non-application de la loi de 1905 aux musulmans de l'Algérie française, le confessionnalisme politique au Liban, le projet sioniste en Palestine, la " question irakienne ", la création du Pakistan sont autant d'exemples qui interrogent ces universalismes. Ce sont ces situations –; et bien d'autres –; que revisitent les auteurs de ce très riche ouvrage collectif. En choisissant de confronter les politiques religieuses des puissances coloniales avec la façon dont elles ont été perçues par les musulmans, ils fournissent les clefs pour comprendre les retours actuels. Une large place est réservée à l'expérience française, mais la problématique est élargie aux autres puissances coloniales européennes : Royaume-Uni et Russie.

" La laïcité est l'arme des nouveaux croisés " proclame aujourd'hui un slogan islamiste. Au-delà de ce jugement abrupt, on doit constater en tout cas que le rapport entre les héritages de la domination coloniale et l'importation de conceptions laïques et/ou sécularisées dans les pays musulmans est aujourd'hui au cœur des problématiques qui fondent les questionnements sur l'islam. Le contexte colonial a en effet manifesté partout les limites d'universalismes européens qui, pour la plupart, puisaient aux sources des Lumières. À l'épreuve de la colonisation, les idéaux émancipateurs sont souvent devenus la légitimation d'entreprises de domination, quand ils n'ont pas été purement et simplement retournés. La non-application de la loi de 1905 aux musulmans de l'Algérie française, le confessionnalisme politique au Liban, le projet sioniste en Palestine, la " question irakienne ", la création du Pakistan sont autant d'exemples qui interrogent ces universalismes. Ce sont ces situations –; et bien d'autres –; que revisitent les auteurs de ce très riche ouvrage collectif. En choisissant de confronter les politiques religieuses des puissances coloniales avec la façon dont elles ont été perçues par les musulmans, ils fournissent les clefs pour comprendre les retours actuels. Une large place est réservée à l'expérience française, mais la problématique est élargie aux autres puissances coloniales européennes : Royaume-Uni et Russie.


SHOW MORE
SHOW LESS
  • No tags were found...

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

388

LE CHOC COLONIAL ET L’ISLAM

l’introduit, de surcroît, dans des cercles influents qui vont jouer un rôle

décisif dans la fondation, puis l’administration de la future MLF. Ainsi,

par le biais de Foncin, Deschamps fait la connaissance d’Henri Ferrier

(inspecteur de l’Enseignement primaire de la Seine), de Clotaire

Baudrillard (inspecteur primaire de la Seine), de Marie-Jeanne

Delhomme (Madame Potel), professeur d’anglais à Paris, et d’autres

personnalités importantes dans l’enseignement public en France et qui

adhérent très rapidement à son projet. Une première réunion s’organise,

le 22 décembre 1901 dans les locaux mêmes de l’Alliance française.

Cette réunion propulse soudainement le projet sur le devant de la

scène publique. Des signes d’intérêt se manifestent un peu partout,

notamment parmi les diplômés de l’École normale supérieure de Saint-

Cloud, ainsi que des enseignants du célèbre collège Chaptal. Parmi les

premiers adhérents à la MLF figurera ainsi Edmond Besnard,

professeur-directeur d’études au collège Chaptal et secrétaire général

de la Mission pendant près d’un demi-siècle (de 1906 à 1949). Selon

Pierre Deschamps, c’est Besnard le véritable architecte logistique de la

Mission laïque française.

Ces pionniers de la MLF se mobilisent autour de l’idée de

Deschamps pour trouver un soutien logistique au projet, mais aussi pour

construire des réseaux locaux à travers la France, points d’appui pour la

future Mission (Mémorial de Saint-Cloud, avril 1950). Avec cet afflux

de nouvelles recrues, les interprétations des objectifs de des écoles

laïques d’outre-mer commençaient à varier d’un individu à un autre,

sans être toujours en accord avec l’orientation de Deschamps. À l’instar

de beaucoup d’autres au tournant du XX e siècle, Alphonse Aulard,

inspecteur général de l’Instruction publique, professeur à la Sorbonne

titulaire de la chaire de la Révolution française, créée d’ailleurs spécialement

pour lui, se considère ainsi comme une farouche sentinelle de la

laïcité, qu’il voit comme un étendard devant représenter l’image de la

France dans le monde. Il s’oppose avec la plus grande virulence à la

légitimité des missions catholiques françaises à l’étranger et exige que

toute représentation éducative française à l’étranger suive désormais le

courant laïque [Thévenin, 2002, p. 27-30].

L’ÉTAT ET DES PERSONNALITÉS APPORTENT LEUR SOUTIEN

La Mission laïque française, association fondée en 1902, reçoit la

reconnaissance officielle de l’État en 1907 comme « organisation

d’utilité publique ». La France, notamment le ministère des Colonies,

s’intéresse à la MLF car elle pourrait servir comme une ramification à

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!