13.02.2024 Views

Le choc colonial et l'islam Les politiques religieuses des puissances coloniales en terre de l'islam

" La laïcité est l'arme des nouveaux croisés " proclame aujourd'hui un slogan islamiste. Au-delà de ce jugement abrupt, on doit constater en tout cas que le rapport entre les héritages de la domination coloniale et l'importation de conceptions laïques et/ou sécularisées dans les pays musulmans est aujourd'hui au cœur des problématiques qui fondent les questionnements sur l'islam. Le contexte colonial a en effet manifesté partout les limites d'universalismes européens qui, pour la plupart, puisaient aux sources des Lumières. À l'épreuve de la colonisation, les idéaux émancipateurs sont souvent devenus la légitimation d'entreprises de domination, quand ils n'ont pas été purement et simplement retournés. La non-application de la loi de 1905 aux musulmans de l'Algérie française, le confessionnalisme politique au Liban, le projet sioniste en Palestine, la " question irakienne ", la création du Pakistan sont autant d'exemples qui interrogent ces universalismes. Ce sont ces situations –; et bien d'autres –; que revisitent les auteurs de ce très riche ouvrage collectif. En choisissant de confronter les politiques religieuses des puissances coloniales avec la façon dont elles ont été perçues par les musulmans, ils fournissent les clefs pour comprendre les retours actuels. Une large place est réservée à l'expérience française, mais la problématique est élargie aux autres puissances coloniales européennes : Royaume-Uni et Russie.

" La laïcité est l'arme des nouveaux croisés " proclame aujourd'hui un slogan islamiste. Au-delà de ce jugement abrupt, on doit constater en tout cas que le rapport entre les héritages de la domination coloniale et l'importation de conceptions laïques et/ou sécularisées dans les pays musulmans est aujourd'hui au cœur des problématiques qui fondent les questionnements sur l'islam. Le contexte colonial a en effet manifesté partout les limites d'universalismes européens qui, pour la plupart, puisaient aux sources des Lumières. À l'épreuve de la colonisation, les idéaux émancipateurs sont souvent devenus la légitimation d'entreprises de domination, quand ils n'ont pas été purement et simplement retournés. La non-application de la loi de 1905 aux musulmans de l'Algérie française, le confessionnalisme politique au Liban, le projet sioniste en Palestine, la " question irakienne ", la création du Pakistan sont autant d'exemples qui interrogent ces universalismes. Ce sont ces situations –; et bien d'autres –; que revisitent les auteurs de ce très riche ouvrage collectif. En choisissant de confronter les politiques religieuses des puissances coloniales avec la façon dont elles ont été perçues par les musulmans, ils fournissent les clefs pour comprendre les retours actuels. Une large place est réservée à l'expérience française, mais la problématique est élargie aux autres puissances coloniales européennes : Royaume-Uni et Russie.


SHOW MORE
SHOW LESS
  • No tags were found...

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

40

LE CHOC COLONIAL ET L’ISLAM

LES LUMIÈRES ET L’ORIENT

Il en est ainsi depuis la seconde moitié du XVIII e siècle. Si les

contemporains des dernières générations des Lumières ont le sentiment

nouveau d’être entrés dans une nouvelle ère de progrès fondé sur la

maîtrise de la nature grâce aux progrès des sciences et des arts, on ne

se trouve encore que dans une période de perfectionnement de

techniques déjà acquises, même si l’on peut parler de prodromes de la

révolution industrielle en Grande-Bretagne et dans quelques régions

d’Europe continentale. Ces avancées sont largement suffisantes pour

pouvoir permettre l’expression d’une supériorité sur les sociétés non

européennes, ou, comme on commence à le dire, non occidentales, en

prenant en compte l’Amérique du Nord. Elle a sa traduction militaire

immédiate dans la conquête britannique des Indes, qui commence dans

les années 1750, et dans les progrès russes au détriment de l’Empire

ottoman dans les pays riverains de la mer Noire.

La première des révolutions n’est pas technologique, elle la dépasse

et la précède. C’est la fin de l’Ancien Régime. Les grandes sociétés

agraires avaient constitué un ordre social composé de groupes censés

représenter des fonctions sociales et organisés selon un système de

valeurs hiérarchisées. L’inégalité des conditions donnait une place à

chacun et multipliait les marques de distinction et de différence.

L’ordre nouveau, d’abord énoncé dans le discours, puis dans de

nouvelles formes de sociabilité, allait ensuite prendre le caractère d’une

transformation radicale et violente avec la Révolution française et son

extension forcée par les victoires militaires à l’ensemble de l’Europe.

La « démocratie », alors définie par l’égalité formelle des conditions et

non par la participation politique, paraissait ainsi le terme du projet de

« régénération » des révolutionnaires français, puis, être, après 1815,

comme le mouvement irréversible du temps, alors que la révolution

industrielle ne connaissait que ses premiers balbutiements. L’enjeu

rétrospectif des Lumières est bien la mise en place de ce nouvel ordre,

bien qu’il soit difficile de le retrouver dans la réalité sociale des milieux

qui portent cette transformation radicale de la société. Il en est de même

quand on recherche l’existence d’une bourgeoisie industrielle dans les

acteurs de la Révolution française. Elle n’apparaîtra que plus tard,

même si le personnage du manufacturier existe déjà.

L’Ancien Régime s’exprimait et se légitimait dans un langage

religieux. Tous les systèmes politiques européens, catholiques ou

protestants, se donnaient une justification tirée des écritures saintes.

Contrairement au pluralisme originel de la société de groupes, les

monarchies de l’Europe moderne avaient imposé par la force une unité

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!