13.02.2024 Views

Le choc colonial et l'islam Les politiques religieuses des puissances coloniales en terre de l'islam

" La laïcité est l'arme des nouveaux croisés " proclame aujourd'hui un slogan islamiste. Au-delà de ce jugement abrupt, on doit constater en tout cas que le rapport entre les héritages de la domination coloniale et l'importation de conceptions laïques et/ou sécularisées dans les pays musulmans est aujourd'hui au cœur des problématiques qui fondent les questionnements sur l'islam. Le contexte colonial a en effet manifesté partout les limites d'universalismes européens qui, pour la plupart, puisaient aux sources des Lumières. À l'épreuve de la colonisation, les idéaux émancipateurs sont souvent devenus la légitimation d'entreprises de domination, quand ils n'ont pas été purement et simplement retournés. La non-application de la loi de 1905 aux musulmans de l'Algérie française, le confessionnalisme politique au Liban, le projet sioniste en Palestine, la " question irakienne ", la création du Pakistan sont autant d'exemples qui interrogent ces universalismes. Ce sont ces situations –; et bien d'autres –; que revisitent les auteurs de ce très riche ouvrage collectif. En choisissant de confronter les politiques religieuses des puissances coloniales avec la façon dont elles ont été perçues par les musulmans, ils fournissent les clefs pour comprendre les retours actuels. Une large place est réservée à l'expérience française, mais la problématique est élargie aux autres puissances coloniales européennes : Royaume-Uni et Russie.

" La laïcité est l'arme des nouveaux croisés " proclame aujourd'hui un slogan islamiste. Au-delà de ce jugement abrupt, on doit constater en tout cas que le rapport entre les héritages de la domination coloniale et l'importation de conceptions laïques et/ou sécularisées dans les pays musulmans est aujourd'hui au cœur des problématiques qui fondent les questionnements sur l'islam. Le contexte colonial a en effet manifesté partout les limites d'universalismes européens qui, pour la plupart, puisaient aux sources des Lumières. À l'épreuve de la colonisation, les idéaux émancipateurs sont souvent devenus la légitimation d'entreprises de domination, quand ils n'ont pas été purement et simplement retournés. La non-application de la loi de 1905 aux musulmans de l'Algérie française, le confessionnalisme politique au Liban, le projet sioniste en Palestine, la " question irakienne ", la création du Pakistan sont autant d'exemples qui interrogent ces universalismes. Ce sont ces situations –; et bien d'autres –; que revisitent les auteurs de ce très riche ouvrage collectif. En choisissant de confronter les politiques religieuses des puissances coloniales avec la façon dont elles ont été perçues par les musulmans, ils fournissent les clefs pour comprendre les retours actuels. Une large place est réservée à l'expérience française, mais la problématique est élargie aux autres puissances coloniales européennes : Royaume-Uni et Russie.


SHOW MORE
SHOW LESS
  • No tags were found...

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

194

LE CHOC COLONIAL ET L’ISLAM

faire confiance à « leur France », celle du progrès social, celle du Front

populaire pour qui ils semblent avoir voté massivement, celle des

idéaux de la Révolution française, celle qui les avait libérés de

l’oppression 29 : plus de 90 % d’entre eux (110 000 sur 130 000 environ)

opteront pour la France en 1962.

Pour la première fois dans l’histoire juive, des Juifs ont quitté

massivement un pays non pas parce qu’ils y étaient persécutés en tant

que tels, mais parce qu’ils avaient profondément intériorisé leur francité

et qu’ils considéraient leur destin lié à celui des Français qui partaient.

Pendant la guerre d’Algérie, une minorité rejoignit le FLN, une

minorité rejoignit l’OAS. Mais la majorité, inquiète, déchirée entre le

refus des injustices faites aux Algériens et le désir du maintien de la

France en Algérie subissait les « événements ». C’est en tant que

Français rapatriés qu’ils seront accueillis en France, partageant alors

avec l’ensemble des rapatriés d’Algérie l’incompréhension, le désaveu,

les qualificatifs de « colonialistes » et l’étiquette de pied-noir.

Situés au milieu de l’affrontement entre deux nationalismes

radicaux, les Juifs d’Algérie ne peuvent alors qu’être des deux côtés

l’objet de tous les fantasmes de trahison. Les Européens leur rappellent

tout ce qu’ils doivent à la civilisation occidentale, et les Algériens

musulmans leur reprochent d’avoir oublié qu’ils sont des enfants de la

terre algérienne [Stora, 2003, p. 24-26].

Algériens 30 et Israéliens se mettront d’accord une seule fois : pour

condamner les Juifs d’Algérie qui, en 1965, seront considérés et jugés

comme « traîtres » en Israël par un « tribunal » de personnalités (intellectuels,

journalistes) réunies pour condamner la conduite de cette

diaspora qui n’avait pas choisi l’alya.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

ABITBOL M. (1990), « La citoyenneté imposée. Du décret Crémieux à la

Libération », in BIRNBAUM P. (éd.), Histoire politique des Juifs de France,

Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, Paris.

ABITBOL M. (1999), Le Passé d’une discorde. Juifs et Arabes depuis le VII e siècle,

Perrin, Paris.

AGERON C.-R. (1964, éd. revue 1999), Histoire de l’Algérie contemporaine, PUF,

Paris.

ALLOUCHE-BENAYOUN J. avec Doris BENSIMON (1998), Les Juifs d’Algérie.

Mémoires et identités plurielles, Stavit/Cerf, Paris.

29. Les Juifs devenus Français se singularisèrent par leur appui constant aux partis de

gauche et aux tentatives visant à égaliser le statut des musulmans.

30. Certains de ces derniers, dans des publications universitaires parues en 1999 en

Algérie, continuent d’entonner le chant de la trahison des Juifs d’Algérie qui choisirent la

France laïque plutôt que l’Algérie musulmane en 1962 [Mana, 1999 ; Chenouf, 1999].

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!