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Le choc colonial et l'islam Les politiques religieuses des puissances coloniales en terre de l'islam

" La laïcité est l'arme des nouveaux croisés " proclame aujourd'hui un slogan islamiste. Au-delà de ce jugement abrupt, on doit constater en tout cas que le rapport entre les héritages de la domination coloniale et l'importation de conceptions laïques et/ou sécularisées dans les pays musulmans est aujourd'hui au cœur des problématiques qui fondent les questionnements sur l'islam. Le contexte colonial a en effet manifesté partout les limites d'universalismes européens qui, pour la plupart, puisaient aux sources des Lumières. À l'épreuve de la colonisation, les idéaux émancipateurs sont souvent devenus la légitimation d'entreprises de domination, quand ils n'ont pas été purement et simplement retournés. La non-application de la loi de 1905 aux musulmans de l'Algérie française, le confessionnalisme politique au Liban, le projet sioniste en Palestine, la " question irakienne ", la création du Pakistan sont autant d'exemples qui interrogent ces universalismes. Ce sont ces situations –; et bien d'autres –; que revisitent les auteurs de ce très riche ouvrage collectif. En choisissant de confronter les politiques religieuses des puissances coloniales avec la façon dont elles ont été perçues par les musulmans, ils fournissent les clefs pour comprendre les retours actuels. Une large place est réservée à l'expérience française, mais la problématique est élargie aux autres puissances coloniales européennes : Royaume-Uni et Russie.

" La laïcité est l'arme des nouveaux croisés " proclame aujourd'hui un slogan islamiste. Au-delà de ce jugement abrupt, on doit constater en tout cas que le rapport entre les héritages de la domination coloniale et l'importation de conceptions laïques et/ou sécularisées dans les pays musulmans est aujourd'hui au cœur des problématiques qui fondent les questionnements sur l'islam. Le contexte colonial a en effet manifesté partout les limites d'universalismes européens qui, pour la plupart, puisaient aux sources des Lumières. À l'épreuve de la colonisation, les idéaux émancipateurs sont souvent devenus la légitimation d'entreprises de domination, quand ils n'ont pas été purement et simplement retournés. La non-application de la loi de 1905 aux musulmans de l'Algérie française, le confessionnalisme politique au Liban, le projet sioniste en Palestine, la " question irakienne ", la création du Pakistan sont autant d'exemples qui interrogent ces universalismes. Ce sont ces situations –; et bien d'autres –; que revisitent les auteurs de ce très riche ouvrage collectif. En choisissant de confronter les politiques religieuses des puissances coloniales avec la façon dont elles ont été perçues par les musulmans, ils fournissent les clefs pour comprendre les retours actuels. Une large place est réservée à l'expérience française, mais la problématique est élargie aux autres puissances coloniales européennes : Royaume-Uni et Russie.


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LES DÉBUTS DU SIONISME (1882-1903) 317

villes et leurs périphéries, ce qui provoque régulièrement des récriminations

de la part des autorités locales qui prennent prétexte du nombre

important d’immigrants pour tenter d’arrêter l’afflux.

L’imagerie traditionnelle présente la première aliya comme étant

celle du travail de la terre. En réalité, seule une sorte d’avant-garde de

quelque 5 000 personnes s’installe sur des terres pour les cultiver, en

fondant à peine deux douzaines de colonies agricoles. Ceux qui se sont

installés dans les villes ont joué un rôle non négligeable dans le développement

et la modernisation de ces centres urbains comme

Jérusalem, ou portuaires, à l’instar de Jaffa et de Haïfa.

Les émigrants les plus actifs appartiennent essentiellement au

courant d’associations les « Amants de Sion » (Hibat Zion). À l’origine,

cette tendance, issue de la Haskala (les Lumières juives), se situait à

mi-chemin entre ceux qui préconisent l’intégration et revendiquent la

citoyenneté à part entière dans les pays de résidence et la mouvance

orthodoxe qui prône le repli sur soi. Les pogroms russes ont provoqué

un tournant dans la doctrine des Amants de Sion : la revendication d’intégration

devient irréaliste de leur point de vue, car, de toute façon,

affirment-ils, les juifs suscitent l’antisémitisme du fait de leur existence

même 14 . Il leur faut donc un territoire à eux où ils pourront s’installer,

vivre en paix et construire un avenir 15 .

À la différence de la grande majorité des arrivants qui n’ont en

commun que l’attachement à la pratique religieuse, une petite minorité

(quelques dizaines), les biluim, des lycéens et étudiants de Kharkov et

de Simferopol, se présentent comme le fer de lance du nationalisme.

Inspirés, comme les autres immigrants, par la Haskala, ils préconisent

la rédemption du peuple juif par le travail de la terre et souhaitent

développer un mouvement de masse nationaliste pionnier en vue de la

renaissance du peuple juif sur sa terre originelle en Eretz Israël. Le

projet est d’incarner leur rêve dans une colonie collectiviste où tout

serait mis en commun entre colons aptes aux activités physiques. Quant

au régime du futur État, certains préconisent la monarchie absolue,

d’autre une république présidentielle ou encore une monarchie constitutionnelle.

Malgré leur faible nombre, ce sont pourtant eux qui,

pendant longtemps, inspirent l’image mythique des pionniers de la

première aliya [Salmon, 1981, p. 117-140].

Quelle fut l’attitude des consuls vis-à-vis de cette première

immigration juive d’importance en Palestine ? On est tenté de dire que

c’est l’absence de réaction qui domine face à un phénomène auquel les

14. À titre d’exemple, voir P Smolenskin (1877), Il est temps de planter et L. Pinsker

(1882), Autoémancipation, paru en russe et allemand.

15. Pour l’installation des immigrants de la première aliya, voir [Delmaire, 1999, p. 130].

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