13.02.2024 Views

Le choc colonial et l'islam Les politiques religieuses des puissances coloniales en terre de l'islam

" La laïcité est l'arme des nouveaux croisés " proclame aujourd'hui un slogan islamiste. Au-delà de ce jugement abrupt, on doit constater en tout cas que le rapport entre les héritages de la domination coloniale et l'importation de conceptions laïques et/ou sécularisées dans les pays musulmans est aujourd'hui au cœur des problématiques qui fondent les questionnements sur l'islam. Le contexte colonial a en effet manifesté partout les limites d'universalismes européens qui, pour la plupart, puisaient aux sources des Lumières. À l'épreuve de la colonisation, les idéaux émancipateurs sont souvent devenus la légitimation d'entreprises de domination, quand ils n'ont pas été purement et simplement retournés. La non-application de la loi de 1905 aux musulmans de l'Algérie française, le confessionnalisme politique au Liban, le projet sioniste en Palestine, la " question irakienne ", la création du Pakistan sont autant d'exemples qui interrogent ces universalismes. Ce sont ces situations –; et bien d'autres –; que revisitent les auteurs de ce très riche ouvrage collectif. En choisissant de confronter les politiques religieuses des puissances coloniales avec la façon dont elles ont été perçues par les musulmans, ils fournissent les clefs pour comprendre les retours actuels. Une large place est réservée à l'expérience française, mais la problématique est élargie aux autres puissances coloniales européennes : Royaume-Uni et Russie.

" La laïcité est l'arme des nouveaux croisés " proclame aujourd'hui un slogan islamiste. Au-delà de ce jugement abrupt, on doit constater en tout cas que le rapport entre les héritages de la domination coloniale et l'importation de conceptions laïques et/ou sécularisées dans les pays musulmans est aujourd'hui au cœur des problématiques qui fondent les questionnements sur l'islam. Le contexte colonial a en effet manifesté partout les limites d'universalismes européens qui, pour la plupart, puisaient aux sources des Lumières. À l'épreuve de la colonisation, les idéaux émancipateurs sont souvent devenus la légitimation d'entreprises de domination, quand ils n'ont pas été purement et simplement retournés. La non-application de la loi de 1905 aux musulmans de l'Algérie française, le confessionnalisme politique au Liban, le projet sioniste en Palestine, la " question irakienne ", la création du Pakistan sont autant d'exemples qui interrogent ces universalismes. Ce sont ces situations –; et bien d'autres –; que revisitent les auteurs de ce très riche ouvrage collectif. En choisissant de confronter les politiques religieuses des puissances coloniales avec la façon dont elles ont été perçues par les musulmans, ils fournissent les clefs pour comprendre les retours actuels. Une large place est réservée à l'expérience française, mais la problématique est élargie aux autres puissances coloniales européennes : Royaume-Uni et Russie.


SHOW MORE
SHOW LESS
  • No tags were found...

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

LE DISCOURS COLONIAL DES SAINT-SIMONIENS 63

Ni le retour au christianisme ni l’élan vers l’islam ne témoignent chez

lui d’un quelconque conservatisme. Aussi paradoxal que cela nous

paraisse dans le système de représentations qui est le nôtre en Occident

ici et maintenant, c’est là pour lui la voie du progrès. De même faut-il

croire que pour Adham, Turc probablement franc-maçon, ou Abd el-

Rahman Rouchdy, Maltais converti à l’islam, tous deux ministres de

Mohammed Ali et dévots d’Enfantin en privé [Régnier, 1989, p. 101-

103], la foi saint-simonienne constitue une synthèse en avant de leurs

autres et antérieures convictions, une solution pour les accommoder

avec la religion officielle et avec ce désir de modernité qui les rapproche

du pacha. Voilà qui, peut-être, jette quelque lumière sur le rapport

du changement religieux au changement social.

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Columbia University - - 74.101.99.92 - 23/05/2018 02h54. © La Découverte

DU CAIRE À ALGER : LA SCIENCE COMME SUBSTITUT DE LA RELIGION

ET LE CHOIX COLONIAL D’ENFANTIN

L’examen du rôle joué par Enfantin dans la Commission scientifique

de l’Algérie permet lui aussi de découvrir un aspect peu observé du

rapport de la science à la colonisation. Dans ce cas, comme dans le précédent,

l’idée coloniale n’est ni préconstituée ni spontanée, ni, à plus

forte raison, conforme à l’idée que nous nous en sommes formés après

coup.

En dépit d’apparences plus officielles, le départ pour l’Algérie, en

1840, procède, pour Enfantin, du même contexte et des mêmes motivations

que le départ pour l’Égypte. C’est faute de pouvoir véritablement

trouver une issue à sa situation de proscription de fait en France que son

cousin, le général Saint-Cyr Nugues, son ami Arlès-Dufour, la sphère

gouvernementale à laquelle appartient le général, et lui-même (qui, de

retour d’Égypte, n’est plus rien), se résolvent à la solution d’un poste

officiel, mais lointain, dans la Commission qui se met en place. La

même raison explique la nature scientifique du poste trouvé. Une activité

sociale en France, même hors fonction publique et hors champ

politique, serait encore trop exposée pour l’ancien Père suprême, toujours

au ban de la société censitaire. Afin de le faire rentrer dans le

monde, autrement dit de le séculariser, le détour par les possessions

d’Afrique et par la science finit par s’imposer de lui-même.

Transformer l’ancien pape en homme de science, lui conférer une

dignité de savant, c’est non seulement lui donner une fonction en rapport

avec sa « capacité » (selon le fameux principe saint-simonien d’« à

chacun selon sa capacité »), mais, tout en le déportant physiquement à

nouveau, le changer de terrain spirituel, lui donner pour mode d’inter-

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!