13.02.2024 Views

Le choc colonial et l'islam Les politiques religieuses des puissances coloniales en terre de l'islam

" La laïcité est l'arme des nouveaux croisés " proclame aujourd'hui un slogan islamiste. Au-delà de ce jugement abrupt, on doit constater en tout cas que le rapport entre les héritages de la domination coloniale et l'importation de conceptions laïques et/ou sécularisées dans les pays musulmans est aujourd'hui au cœur des problématiques qui fondent les questionnements sur l'islam. Le contexte colonial a en effet manifesté partout les limites d'universalismes européens qui, pour la plupart, puisaient aux sources des Lumières. À l'épreuve de la colonisation, les idéaux émancipateurs sont souvent devenus la légitimation d'entreprises de domination, quand ils n'ont pas été purement et simplement retournés. La non-application de la loi de 1905 aux musulmans de l'Algérie française, le confessionnalisme politique au Liban, le projet sioniste en Palestine, la " question irakienne ", la création du Pakistan sont autant d'exemples qui interrogent ces universalismes. Ce sont ces situations –; et bien d'autres –; que revisitent les auteurs de ce très riche ouvrage collectif. En choisissant de confronter les politiques religieuses des puissances coloniales avec la façon dont elles ont été perçues par les musulmans, ils fournissent les clefs pour comprendre les retours actuels. Une large place est réservée à l'expérience française, mais la problématique est élargie aux autres puissances coloniales européennes : Royaume-Uni et Russie.

" La laïcité est l'arme des nouveaux croisés " proclame aujourd'hui un slogan islamiste. Au-delà de ce jugement abrupt, on doit constater en tout cas que le rapport entre les héritages de la domination coloniale et l'importation de conceptions laïques et/ou sécularisées dans les pays musulmans est aujourd'hui au cœur des problématiques qui fondent les questionnements sur l'islam. Le contexte colonial a en effet manifesté partout les limites d'universalismes européens qui, pour la plupart, puisaient aux sources des Lumières. À l'épreuve de la colonisation, les idéaux émancipateurs sont souvent devenus la légitimation d'entreprises de domination, quand ils n'ont pas été purement et simplement retournés. La non-application de la loi de 1905 aux musulmans de l'Algérie française, le confessionnalisme politique au Liban, le projet sioniste en Palestine, la " question irakienne ", la création du Pakistan sont autant d'exemples qui interrogent ces universalismes. Ce sont ces situations –; et bien d'autres –; que revisitent les auteurs de ce très riche ouvrage collectif. En choisissant de confronter les politiques religieuses des puissances coloniales avec la façon dont elles ont été perçues par les musulmans, ils fournissent les clefs pour comprendre les retours actuels. Une large place est réservée à l'expérience française, mais la problématique est élargie aux autres puissances coloniales européennes : Royaume-Uni et Russie.


SHOW MORE
SHOW LESS
  • No tags were found...

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

ISLAM ET CITOYENNETÉ EN ALGÉRIE 213

entendre leur voix comme étant celle de l’Algérie tout entière. Il y eut

toujours une constante dans leurs revendications : l’assimilation, quand

il s’agissait des charges, l’autonomie par rapport à la Mère patrie,

quand il s’agissait des profits.

La réalité est toujours très différente de la théorie. D’ailleurs, les

débats sur l’avenir des colonies à l’Assemblée nationale se déroulaient

souvent devant une assistance modeste, avec une Chambre semidéserte.

Pour compliquer encore les choses, il s’avère que, dans le cas

algérien, ces deux formules, l’assimilation et l’association, avaient été

appliquées tour à tour au gré des intérêts du moment, et qu’elles coexistaient

en fait dans la politique coloniale de la III e République. Le

maintien des territoires sous contrôle militaire aurait satisfait les

partisans de l’association, mais, avec l’arrivée en force de nouveaux

colons après 1871, les généraux des trois divisions (établis dans chaque

chef-lieu de département) se virent contraints de céder des parts

toujours plus importantes de leurs prérogatives à l’administration civile

relevant des trois préfectures, ce qui répondait aux exigences d’encadrement

d’un noyau organisé de population d’origine européenne, si

petit fût-il.

Le conflit latent et la concurrence entre autorités civiles et

militaires, amorcés sous la II e République et qui se poursuivirent sous

le Second Empire, restèrent une constante sous la III e République.

Quoi qu’il en soit, il est clair que les républicains voyaient la colonie

non comme un dominion, mais comme une partie intégrante de la plus

grande France, ne réservant à la population « indigène » qu’un

traitement spécial, comme le montre le maintien du Code de

l’Indigénat jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale.

LES LOIS DE 1901 ET 1905

Les rattachements avaient été abolis depuis cinq ans, mais il est à

croire que l’administration continuait à fonctionner par habitude, si

bien que la loi de 1901 sur les associations sans but lucratif fut

appliquée intégralement à la colonie dans tous ses articles, sans

soulever de problèmes particuliers 30 . En effet, au moment où cette loi

était promulguée en France, l’acculturation juridique en Algérie, avec

l’avènement de la III e République, était déjà un fait accompli. L’après-

1901, en Algérie comme en France métropolitaine, fut l’occasion de

30. Cette loi fut appliquée à l’ensemble de la population sans affrontements majeurs.

Au contraire, la loi de 1905 suscita de nombreuses discussions et polémiques dans la

presse française métropolitaine et algérienne : quatre années qui auront fait la différence !

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!