13.02.2024 Views

Le choc colonial et l'islam Les politiques religieuses des puissances coloniales en terre de l'islam

" La laïcité est l'arme des nouveaux croisés " proclame aujourd'hui un slogan islamiste. Au-delà de ce jugement abrupt, on doit constater en tout cas que le rapport entre les héritages de la domination coloniale et l'importation de conceptions laïques et/ou sécularisées dans les pays musulmans est aujourd'hui au cœur des problématiques qui fondent les questionnements sur l'islam. Le contexte colonial a en effet manifesté partout les limites d'universalismes européens qui, pour la plupart, puisaient aux sources des Lumières. À l'épreuve de la colonisation, les idéaux émancipateurs sont souvent devenus la légitimation d'entreprises de domination, quand ils n'ont pas été purement et simplement retournés. La non-application de la loi de 1905 aux musulmans de l'Algérie française, le confessionnalisme politique au Liban, le projet sioniste en Palestine, la " question irakienne ", la création du Pakistan sont autant d'exemples qui interrogent ces universalismes. Ce sont ces situations –; et bien d'autres –; que revisitent les auteurs de ce très riche ouvrage collectif. En choisissant de confronter les politiques religieuses des puissances coloniales avec la façon dont elles ont été perçues par les musulmans, ils fournissent les clefs pour comprendre les retours actuels. Une large place est réservée à l'expérience française, mais la problématique est élargie aux autres puissances coloniales européennes : Royaume-Uni et Russie.

" La laïcité est l'arme des nouveaux croisés " proclame aujourd'hui un slogan islamiste. Au-delà de ce jugement abrupt, on doit constater en tout cas que le rapport entre les héritages de la domination coloniale et l'importation de conceptions laïques et/ou sécularisées dans les pays musulmans est aujourd'hui au cœur des problématiques qui fondent les questionnements sur l'islam. Le contexte colonial a en effet manifesté partout les limites d'universalismes européens qui, pour la plupart, puisaient aux sources des Lumières. À l'épreuve de la colonisation, les idéaux émancipateurs sont souvent devenus la légitimation d'entreprises de domination, quand ils n'ont pas été purement et simplement retournés. La non-application de la loi de 1905 aux musulmans de l'Algérie française, le confessionnalisme politique au Liban, le projet sioniste en Palestine, la " question irakienne ", la création du Pakistan sont autant d'exemples qui interrogent ces universalismes. Ce sont ces situations –; et bien d'autres –; que revisitent les auteurs de ce très riche ouvrage collectif. En choisissant de confronter les politiques religieuses des puissances coloniales avec la façon dont elles ont été perçues par les musulmans, ils fournissent les clefs pour comprendre les retours actuels. Une large place est réservée à l'expérience française, mais la problématique est élargie aux autres puissances coloniales européennes : Royaume-Uni et Russie.


SHOW MORE
SHOW LESS
  • No tags were found...

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

LE RÔLE DES MISSIONS CATHOLIQUES 337

langue anglaise dispensés dans les écoles anglaises très nombreuses en

Égypte, au Mont-Liban ou en Palestine, que doit répondre très

logiquement la Grande-Bretagne, rivale de la France en Orient.

Propager la langue française

« Si la langue française se parle couramment à Damas », explique

ainsi le supérieur de l’école française, « à la grande surprise des

étrangers de passage, c’est bien, on peut le dire sans crainte d’être

contredit, grâce aux leçons reçues dans nos écoles et dans notre collège

qui, avant la guerre mondiale, était le seul établissement d’enseignement

secondaire dans le quartier de Bâb Tûma 10 ». En Syrie et au Mont-

Liban, vers 1900, lazaristes et jésuites, les deux principales congrégations

enseignantes françaises à dispenser un enseignement moderne,

accueillent plus de 12 000 garçons dans leurs écoles. À la veille de la

guerre, les plus grands établissements secondaires français du Levant

tentent de dispenser le programme des lycées métropolitains. La

difficulté de cet enseignement ferme de facto les portes des meilleures

classes aux élèves médiocres, quelle que soit leur confession, les

empêchant de poursuivre des études longues. Elle justifie la sévérité et

l’usage de la contrainte pour des élèves qui ignorent les rudiments de

la langue française et, surtout, ne la pratiquent pas dans le cercle

familial. Dans les grands établissements du Caire, d’Alexandrie ou de

Damas, le « signal », comme dans les écoles publiques sous la

III e République en Bretagne, punit ceux qui sont surpris à parler arabe

entre eux dans la cour ou dans la classe. Les missionnaires cherchent

en revanche à « stimuler le zèle des études, vu que les parents semblent

se plaindre du peu de progrès de leurs enfants 11 » pour répondre à la

demande pressante d’un public en faveur d’une formation plus

française que chrétienne. Ces parents peuvent ne pas parler la langue

française, mais ne l’ignorent pas dans leur stratégie familiale.

Les missionnaires s’efforcent néanmoins de diffuser la langue

française dans tous les milieux. Son enseignement dans les orphelinats

des Filles de la Charité en Égypte ou au Mont-Liban illustre les efforts

des missionnaires pour pénétrer toutes les couches de la société. Former

des couturières et blanchisseuses, « très recherchées par les industriels et

les familles », c’est former autant de vecteurs de la langue française 12 .

10. Lettre du supérieur du collège Saint-Vincent à l’Agent supérieur de la Compagnie

du canal de Suez à Ismaïlia, 30 novembre 1936. C.M. Beyrouth.

11. 3 janvier 1884. Cahier des conseils domestiques 1868-1902, C.M. Damas.

12. Rapport du consul de France sur les établissements scolaires de Damas adressé à

l’ambassade de France à Constantinople, 29 janvier 1911.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!