13.02.2024 Views

Le choc colonial et l'islam Les politiques religieuses des puissances coloniales en terre de l'islam

" La laïcité est l'arme des nouveaux croisés " proclame aujourd'hui un slogan islamiste. Au-delà de ce jugement abrupt, on doit constater en tout cas que le rapport entre les héritages de la domination coloniale et l'importation de conceptions laïques et/ou sécularisées dans les pays musulmans est aujourd'hui au cœur des problématiques qui fondent les questionnements sur l'islam. Le contexte colonial a en effet manifesté partout les limites d'universalismes européens qui, pour la plupart, puisaient aux sources des Lumières. À l'épreuve de la colonisation, les idéaux émancipateurs sont souvent devenus la légitimation d'entreprises de domination, quand ils n'ont pas été purement et simplement retournés. La non-application de la loi de 1905 aux musulmans de l'Algérie française, le confessionnalisme politique au Liban, le projet sioniste en Palestine, la " question irakienne ", la création du Pakistan sont autant d'exemples qui interrogent ces universalismes. Ce sont ces situations –; et bien d'autres –; que revisitent les auteurs de ce très riche ouvrage collectif. En choisissant de confronter les politiques religieuses des puissances coloniales avec la façon dont elles ont été perçues par les musulmans, ils fournissent les clefs pour comprendre les retours actuels. Une large place est réservée à l'expérience française, mais la problématique est élargie aux autres puissances coloniales européennes : Royaume-Uni et Russie.

" La laïcité est l'arme des nouveaux croisés " proclame aujourd'hui un slogan islamiste. Au-delà de ce jugement abrupt, on doit constater en tout cas que le rapport entre les héritages de la domination coloniale et l'importation de conceptions laïques et/ou sécularisées dans les pays musulmans est aujourd'hui au cœur des problématiques qui fondent les questionnements sur l'islam. Le contexte colonial a en effet manifesté partout les limites d'universalismes européens qui, pour la plupart, puisaient aux sources des Lumières. À l'épreuve de la colonisation, les idéaux émancipateurs sont souvent devenus la légitimation d'entreprises de domination, quand ils n'ont pas été purement et simplement retournés. La non-application de la loi de 1905 aux musulmans de l'Algérie française, le confessionnalisme politique au Liban, le projet sioniste en Palestine, la " question irakienne ", la création du Pakistan sont autant d'exemples qui interrogent ces universalismes. Ce sont ces situations –; et bien d'autres –; que revisitent les auteurs de ce très riche ouvrage collectif. En choisissant de confronter les politiques religieuses des puissances coloniales avec la façon dont elles ont été perçues par les musulmans, ils fournissent les clefs pour comprendre les retours actuels. Une large place est réservée à l'expérience française, mais la problématique est élargie aux autres puissances coloniales européennes : Royaume-Uni et Russie.


SHOW MORE
SHOW LESS
  • No tags were found...

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

PEUPLE JUIF/POPULATIONS AUTOCHTONES 161

Grande-Bretagne que revient, semble-t-il, l’idée d’établir un lien entre

le soutien diplomatique au sionisme et les ambitions territoriales de

Londres sur la Palestine. Son président, Chaïm Weizmann, parviendra,

au terme d’une vigoureuse campagne de lobbying, à convaincre les

autorités britanniques du précieux atout que pourrait représenter le

parrainage du mouvement sioniste dans le cas où Londres envisagerait

d’inclure la Palestine dans une future zone d’influence au Proche-

Orient. À la clientèle cléricale des Français en Terre Sainte,

l’Angleterre pourrait ainsi opposer les aspirations du mouvement

national sioniste.

Au lendemain de la guerre, alors que la Palestine entre dans le

dispositif britannique de défense du Moyen-Orient, le parrainage du

mouvement sioniste viendra à point nommé atténuer la brutalité des

appétits coloniaux. Car la politique des nationalités apporte une

précieuse caution morale à la domination de la vieille Europe, à l’heure

où le socialisme russe brocarde l’impérialisme et où le Président

américain W. Wilson impose au monde le principe nouveau de l’autodétermination

des peuples. Les hommes du Colonial Office de Londres,

dont dépend la Palestine à compter d’avril 1922, ne cesseront d’entretenir

l’idée du lien entre le patronage du sionisme et la domination

britannique sur la Palestine. Ils en useront comme d’une arme contre les

visées rivales des puissances : la France des années 1920, l’Italie de

Mussolini en 1935, au lendemain d’une campagne d’Abyssinie qui lui

permettait de brandir la menace d’un blocus de la mer Rouge.

Pourtant, le patronage du sionisme ne se réduit pas pour les

Britanniques à l’enjeu palestinien, dans la mesure où il touche inévitablement

à la question juive en Europe. En février 1919, Lord Balfour,

conscient de l’hostilité des populations arabes de Palestine à l’idée d’un

Foyer national juif, écrivait à Lloyd Georges : « La justification de notre

politique est que nous considérons la question des Juifs hors de la

Palestine comme une question d’importance mondiale » [Friedman,

1973, p. 325]. La prise en compte de la question juive en Europe n’en

revêt pas moins des formes très diversifiées. Dans les milieux conservateurs,

c’est la hantise du « judéo-bolchevisme » qui domine : la peur

d’une révolution sociale nourrie dans le sein d’un judaïsme oriental

imprégné d’idéal révolutionnaire et dont l’unique antidote serait le

nationalisme sioniste. Cette hantise rejoint du reste les craintes d’une

fraction de la bourgeoisie juive d’Europe occidentale qui redoute une

contagion antisémite susceptible de porter atteinte à sa propre assimilation.

Par ailleurs, la culture bibliste du protestantisme européen

associe spontanément les Juifs à la Palestine et nombreux sont ceux qui

considèrent que le peuple de la Bible dispose d’un droit historique

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!