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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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MARIE-EMMANUELLE PLAGNOL-DIÉVAL 147<br />

impossible <strong>de</strong> copier en miniature, et dont je n’ai voulu que prendre le style et le<br />

coloris. Je n’ai jamais eu la prétention <strong>de</strong> l’égaler, je ne désire que lui ressembler un<br />

peu (p.␣ 8).<br />

<strong>La</strong> double visée d’instruction et <strong>de</strong> plaisir est renforcée par le public <strong>de</strong>stinataire,<br />

comme le soulignent ces extraits <strong>de</strong> la préface <strong>de</strong> M me ␣ Mallès <strong>de</strong> Beaulieu :<br />

En appropriant <strong>aux</strong> jeunes <strong>de</strong>moiselles les leçons <strong>de</strong> morale et les règles <strong>de</strong> conduite<br />

que donne cet homme célèbre, j’ai un motif d’encouragement qui lui manquait : il<br />

travaillait pour tous les âges ; je m’occupe <strong>de</strong> celui où l’on peut combattre avec avantage<br />

toute espèce <strong>de</strong> défaut (p. IX-X).<br />

S’il m’arrive que je plaise, et que j’amuse mes jeunes lectrices, je m’en applaudirai, si<br />

cela sert à insinuer et à faire recevoir les vérités qui doivent instruire (p. X).<br />

L’influence <strong>de</strong> <strong>La</strong> Bruyère se manifeste, en <strong>de</strong>hors du titre et <strong>de</strong>s paratextes,<br />

dans les plans <strong>de</strong>s ouvrages et dans la formulation <strong>de</strong>s chapitres. L’ouvrage <strong>de</strong><br />

M me ␣ Mallès <strong>de</strong> Beaulieu compte trente chapitres <strong>aux</strong> titres abstraits, «␣ De␣ » suivi<br />

du nom d’un défaut ou d’une vertu. Le <strong>La</strong> Bruyère <strong>de</strong>s domestiques <strong>de</strong> M me ␣ <strong>de</strong> Genlis<br />

introduit quelque diversité en mêlant <strong>de</strong>s noms abstraits, <strong>de</strong>s catégories <strong>de</strong><br />

personnes, parfois un individu («␣ Du bon jardinier␣ ») ou <strong>de</strong>s titres-annonces («␣ Introduction<br />

<strong>aux</strong> belles actions, Belles actions véritables faites par <strong>de</strong>s domestiques<br />

nègres␣ »)… Or l’on sait qu’une part <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s critiques consacrées à <strong>La</strong> Bruyère<br />

tend à voir dans ses textes une propension au développement narratif, bref à la<br />

<strong>nouvelle</strong>, <strong>de</strong> même qu’elle s’intéresse à distinguer le caractère du portrait, le premier<br />

étant général (en dépit <strong>de</strong> quelques étu<strong>de</strong>s d’avant-gar<strong>de</strong> opposées à une<br />

critique plus traditionnelle), le <strong>de</strong>uxième renvoyant à un individu particulier.<br />

Comment se situent nos textes au sein <strong>de</strong> ce flottement générique ? Comment<br />

<strong>de</strong>s textes forcément courts, comme l’exige la faible capacité d’attention <strong>de</strong>s lecteurs<br />

<strong>aux</strong>quels ils sont <strong>de</strong>stinés, édifiants, donc reposant sur un substrat moral<br />

clair, et cependant narratifs, pour plaire, organisent-ils ces diverses contraintes ?<br />

Quelle part le développement narratif peut-il occuper, sous quelle forme, quelles<br />

sont ses modalités d’expansion et ses formes <strong>de</strong> repli ? Autant <strong>de</strong> questions<br />

narratologiques posées par ces textes, <strong>aux</strong>quelles nous pouvons esquisser quelques<br />

réponses en étudiant successivement les modalités d’insertion d’un développement<br />

narratif au sein <strong>de</strong> l’ensemble moral, les caractéristiques stylistiques<br />

<strong>de</strong> ces embryons <strong>de</strong> <strong>nouvelle</strong> et enfin les limitations engendrées par le message<br />

moral.<br />

Le plan par chapitres mor<strong>aux</strong>, choisi par les auteurs à la suite <strong>de</strong> <strong>La</strong> Bruyère, a<br />

pour conséquence d’encadrer, sinon d’insérer les développements narratifs dans<br />

un ensemble abstrait moral <strong>aux</strong>quels ils servent d’exemples, <strong>de</strong> révélateurs. Ainsi<br />

conçus, les fragments narratifs ne sont pas autonomes, mais liés à une visée démonstrative.<br />

Les auteurs varient ainsi les formules d’actualisation narrative. Nous<br />

en étudierons quelques exemples à travers l’ouvrage <strong>de</strong> M me ␣ Mallès <strong>de</strong> Beaulieu,

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