La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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LE RECUEIL DE NOUVELLES QUÉBECOIS COMME PROTO-GENRE
La seule signification que l’auteur recherche ou que la critique note dans le phénomène
du recueil, c’est l’intégration du texte à un ensemble plus vaste : le livre, objet
relié dont la publication par un éditeur implique une validation qui échappe au
plumitif d’une revue ou d’un journal. C’est la fameuse consécration en volume 10 .
La reconnaissance des recueils de fictions narratives brèves est possible (l’unité
textuelle égalant l’unité de publication), mais la critique apparaît sévère devant
ces ensembles de «␣ petites pages␣ », que l’abbé Camille Roy décrit également en
ces mots : «␣ Un tel livre échappe à toute définition ; c’est un recueil : et vous
savez tout ce que l’on peut mettre en un recueil 11 ␣ ». Généralement mal perçu à
l’époque, le recueil affronte la rude compétition des romans régionalistes, mais
parvient quelquefois à obtenir popularité et prestige.
Ainsi en est-il de La dame blanche de Harry Bernard qui remporte en 1927 le
Prix d’Action intellectuelle. Ce recueil constitue aussi un exemple intéressant par
sa forme. Dans son avertissement, l’auteur mentionne d’abord que «␣ les nouvelles
de ce recueil forment un tout 12 ␣ », pour ensuite les présenter : les dix premiers
textes sont historiques, les quatre autres (cinq, en réalité) sont des «␣ scènes
d’aujourd’hui␣ ». L’auto-valorisation du recueil qui d’entrée de jeu tente de convaincre
le lecteur est rapidement invalidée par les propos même de l’auteur qui
en expose – involontairement – le caractère «␣ composite 13 ␣ ». En 1935, une réédition
sous le titre Montcalm se fâche 14 confirme les erreurs de la première édition.
Les cinq dernières nouvelles (les «␣ scènes d’aujourd’hui␣ ») sont retranchées, et le
nouveau texte qui ouvre le recueil, la nouvelle éponyme, donne à l’œuvre un
caractère historique plus marqué 15 . L’exemple de La dame blanche permet de constater
le souci minimal de donner une homogénéité au recueil : souci dans le discours
(dans le paratexte), mais non dans l’écriture. Les œuvres de cette première
période de la nouvelle partagent la même conception : le recueil, possibilité de
publication des fictions narratives brèves, se définit généralement comme un
assemblage peu unifié de textes souvent publiés dans des journaux ou des périodiques.
Au cours du XX e siècle, il est possible d’observer au Québec une modification
de la conception du recueil de fictions narratives brèves 16 . Sa définition et son
appellation même causent problème, en raison de la diversité des formules qui
peuvent être aujourd’hui regroupées sous cette appellation. La polémique autour
de l’étiquette du recueil est plus accentuée dans les pays anglo-saxons où sont
remis en question le terme «␣ short story␣ » et le substantif exprimant le concept de
recueil : ainsi, «␣ collection␣ » côtoie «␣ cycle␣ », «␣ sequence␣ » et «␣ composite 17 ␣ ». Cette
querelle à propos de la définition du recueil provient des différentes prises de
position qui tentent de dicter les limites du «␣ genre␣ ». Différentes définitions 18 du
recueil de nouvelles circulent, plusieurs gravitant autour de celle proposée par
Forrest L.␣ Ingram ; certains points communs en émergent, à partir desquels j’en
viens à une synthèse personnelle, inspirée d’Ingram et de Luscher : le recueil de