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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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JEAN CLAUDE BOLOGNE 559<br />

détournée, pour ouvrir le royaume <strong>de</strong>s cieux à ceux qui ont <strong>de</strong>s oreilles pour<br />

entendre (Mt 13, 10-16).<br />

Ainsi, au Moyen Âge, un discours imagé contenant une leçon morale s’appelle-t-il<br />

une parabole dans un contexte religieux, essentiellement<br />

néotestamentaire ; fable, lorsqu’il met en scène <strong>de</strong>s anim<strong>aux</strong> ayant un comportement<br />

humain ; exemple, dans les autres cas, notamment dans les recueils d’anecdotes<br />

<strong>de</strong>stinées à enrichir les sermons <strong>de</strong>s ecclésiastiques. L’apologue intégré à<br />

une narration pour illustrer le récit et lui donner un sens moral est appelé exemple<br />

(ensienplo par Juan Ruiz, example par Julienne <strong>de</strong> Norwich). Certains fabli<strong>aux</strong><br />

moralisateurs sont aussi appelés essamples. C’est sous ce mot qu’il faut chercher<br />

l’apologue au Moyen Âge.<br />

Le terme apologue ne réapparaît qu’au XV e siècle, lorsque <strong>de</strong>s érudits italiens se<br />

mettent à composer <strong>de</strong> courts textes à la manière d’Ésope. Celui-ci a été redécouvert<br />

par Maxime Planu<strong>de</strong>, moine byzantin mort en 1310 et qui fut ambassa<strong>de</strong>ur à<br />

Venise en 1296. Mais la vogue <strong>de</strong>s apologues ésopiques attendra la traduction latine<br />

qu’en donne <strong>La</strong>urent Valla (1406-1457). Lorsque, en 1438, il en envoie trentetrois<br />

à son ami Arnoul <strong>de</strong> Fouelle (Arnoldo Fouelleda), il les désigne comme le<br />

gibier <strong>de</strong> ses chasses littéraires, un gibier <strong>de</strong> cailles (coturnices) qui nourrissent gran<strong>de</strong>ment.<br />

Il lui promet <strong>de</strong> lui envoyer <strong>de</strong>s perdrix si celles-ci ne lui conviennent pas.<br />

Il s’agit bien dans son esprit <strong>de</strong> bagatelles, qu’il appelle fables, fabulettes (fabulae,<br />

fabelae). Le genre plaît : Léon-Battista Alberti compose cent apologues, dit-il, en<br />

quelques jours, et les adresse à Ésope. Léonard <strong>de</strong> Vinci illustrera aussi le genre.<br />

À quel usage étaient réservées ces fabulettes ? <strong>La</strong> première édition <strong>de</strong> Valla, vers<br />

1477, est significative : elles sont appelées facéties et imprimées avec les facéties<br />

<strong>de</strong> Pogge et les plaisanteries (sales) <strong>de</strong> Pétrarque 19. Les premières sont <strong>de</strong>s anecdotes<br />

parfois galantes, sinon obscènes, parfois morales, mais toujours plaisantes et<br />

empruntées à l’histoire. Plusieurs se terminent par une moralité qui généralise<br />

l’anecdote. Pétrarque <strong>de</strong> son côté rend par facetiae ou sales le grec skw~mma («␣ raillerie␣<br />

») en précisant que ces «␣ grains <strong>de</strong> sel␣ » lui servent <strong>de</strong> condiment à ses discours.<br />

<strong>La</strong> référence est évi<strong>de</strong>nte à l’emploi <strong>de</strong> l’apologue chez Quintilien ou<br />

Cicéron.<br />

Vers 1491-1498, les facéties <strong>de</strong> Valla seront traduites en français par Guillaume<br />

Tardif sous le nom d’apologues 20. <strong>La</strong> date est importante, puisqu’il s’agit à la fois<br />

<strong>de</strong> la première attestation du mot en français, et <strong>de</strong> la réapparition officielle en<br />

Occi<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’apologue comme genre littéraire. Pour Tardif, la synonymie est<br />

totale entre apologue, fable et facétie. Nous avons vu pourquoi : il s’agit bien <strong>de</strong><br />

fables, publiées conjointement à <strong>de</strong>s facéties, dans un emploi attribué classiquement<br />

à l’apologue. «␣ Apologue est langaige par chose familière contenant morale<br />

érudition 21␣ », le définit Tardif. Dans une Renaissance avi<strong>de</strong> <strong>de</strong> calques grecs, le<br />

mot <strong>de</strong>viendra à la mo<strong>de</strong> pour désigner les fables d’Ésope ainsi dans le prologue<br />

du Quart livre <strong>de</strong> Rabelais, qui parle <strong>de</strong>s «␣ apologues du saige Æsope␣ », d’«␣ apologue<br />

aesopicque 22␣ »…

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