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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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IMMACULADA ILLANES ORTEGA 211<br />

Parti <strong>de</strong> la brièveté du portrait et après avoir porté la <strong>nouvelle</strong> jusqu’<strong>aux</strong> limites<br />

du roman (quant à son étendue), après le flirt avec <strong>de</strong> formes d’expression<br />

bien diverses, l’auteur revient donc finalement à la brièveté. <strong>La</strong> sélection d’éléments<br />

en nombre réduit mais chargés <strong>de</strong> signification permet <strong>de</strong> concentrer en<br />

peu <strong>de</strong> pages tout un univers qui sera déployé par la lecture. Pour beaucoup dire,<br />

il n’y a finalement qu’à peu parler : c’est au lecteur <strong>de</strong> comprendre.<br />

Immaculada ILLANES ORTEGA<br />

Université <strong>de</strong> Séville<br />

NOTES<br />

1 Nous utiliserons pour les citations l’édition <strong>de</strong>s trois textes dans Paul MORAND, Nouvelles complètes,<br />

Paris : Gallimard (Bibliothèque <strong>de</strong> la Pléia<strong>de</strong>), 1991-1992, 2 vol.<br />

2 <strong>La</strong> notice rédigée par Michel Collomb pour l’édition <strong>de</strong> la Pléia<strong>de</strong> signale que la dame en question<br />

était l’épouse <strong>française</strong> du baron d’Erlanger, important banquier londonien, et inclut <strong>de</strong> même cette<br />

citation <strong>de</strong> Morand tirée <strong>de</strong> son Journal d’un attaché d’ambassa<strong>de</strong>, p.␣ 262.<br />

3 Le parallélisme entre le <strong>de</strong>stin <strong>de</strong> don Luis et du peintre Francisco <strong>de</strong> Goya, personnages du Flagellant<br />

<strong>de</strong> Séville, et Morand a été souligné par la critique et suggéré par l’écrivain lui-même. Le roman<br />

<strong>de</strong>viendrait ainsi une plainte <strong>de</strong> l’exilé qui se sent mal compris <strong>de</strong> ses compatriotes.<br />

4 Nous avons analysé toutes ces références dans le chapitre «␣ L’histoire d’Espagne␣ » <strong>de</strong> notre thèse<br />

Valery <strong>La</strong>rbaud y Paul Morand : imágenes <strong>de</strong> España, Université <strong>de</strong> Séville, 1995<br />

5 Sous l’influence <strong>de</strong> Gobineau, l’auteur aurait tendance à «␣ représenter les figures <strong>de</strong> divers pays dans<br />

leurs climats, avec leurs coutumes, mœurs et réactions propres, par conséquent vus <strong>de</strong> l’intérieur␣ »<br />

(Paul Morand et le cosmopolitisme littéraire, p.␣ 29-30.)<br />

6<br />

«␣ Le cosmopolitisme du réel constate <strong>de</strong>s faits et les propose au bon sens <strong>de</strong>s lecteurs. Mais l’inventaire<br />

<strong>de</strong>s phénomènes cosmopolites chez Morand, quoique très riche, est loin d’être complet. Il ne<br />

prétend pas atteindre la totalité objective <strong>de</strong>s faits parce que pour lui, l’écrivain est avant tout un<br />

artiste. Aussi néglige-t-il ce qu’il ne peut pas exploiter en tant que poète, et notamment ces larges<br />

masses d’humbles qui, à l’esthète, paraissent grisâtres […] c’est donc d’un œil d’impressionniste qu’il<br />

regar<strong>de</strong> l’horizon mondial, et au hasard, <strong>de</strong> sorte que son cosmopolitisme, partiel et partial, n’est<br />

réaliste qu’en apparence seulement␣ » (Ibid., p.␣ 138).<br />

7<br />

«␣ Je n’ai jamais voulu écrire sur le moment, comme un article <strong>de</strong> journal, parce que je crois que le<br />

recul est absolument nécessaire : d’abord un arrière-fond historique et ensuite <strong>de</strong> la réflexion, avant<br />

<strong>de</strong> donner <strong>de</strong>s instantanés ! Il faut que ça ait l’air d’instantanés et que ça n’en soit pas.␣ » (Entretiens<br />

avec Paul Morand, p.␣ 75).<br />

8<br />

Frédéric LÉFÈVRE : Une heure avec…, p.␣ 31-41.<br />

9<br />

C’est là le reproche fondamental <strong>de</strong> Proust <strong>aux</strong> premiers textes morandiens, exprimé dans sa préface<br />

pour Tendres stocks : «␣ Le seul reproche que je serais tenté d’adresser à Morand, c’est qu’il a quelquefois<br />

<strong>de</strong>s images autres que <strong>de</strong>s images inévitables. Or, tous les à-peu-près d’images ne comptent pas.<br />

L’eau (dans <strong>de</strong>s conditions données) bout à 100 <strong>de</strong>grés. À 98, à 99, le phénomène ne se produit pas.<br />

Alors mieux vaut pas d’images.␣ »<br />

10<br />

Soit comme exemple le moment du départ du bateau :<br />

«␣ Enfin, entre le quai et le bastingage, un mince fossé se creusa, un puits au fond duquel l’eau<br />

apparut, si l’on peut appeler eau cette litière <strong>de</strong> pe<strong>aux</strong> <strong>de</strong> bananes, <strong>de</strong> paille, <strong>de</strong> cosses <strong>de</strong> melon,<br />

<strong>de</strong> cartons défoncés, <strong>de</strong> journ<strong>aux</strong> <strong>de</strong> soir trempés et <strong>de</strong> fleurs fanées ; roulement sourd <strong>de</strong> la première<br />

passerelle ramenée à terre ; cinq cents personnes s’aperçurent alors qu’il était temps <strong>de</strong> quitter le<br />

bateau si l’on ne voulait pas partir sans billet ni bagages ; en trois minutes, la place se vida et les<br />

amarres d’arrière retombèrent lour<strong>de</strong>ment sur l’eau. Les remorqueurs tiraient à bâbord <strong>de</strong> toutes<br />

leurs forces, et ramenaient le transatlantique au milieu du port.<br />

«␣ Le Jacques-Cartier démarrait ; les New-Yorkais regardaient sa haute carcasse blanche, noire et rouge

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