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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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LES PIÈCES LIMINAIRES DES RECUEILS DU XVI e␣ SIÈCLE<br />

Ce que nous permet d’observer le développement <strong>de</strong> l’appareil paratextuel,<br />

c’est comment <strong>de</strong>s éléments <strong>de</strong> l’histoire-cadre intégrés au texte narratif, ten<strong>de</strong>nt<br />

à se détacher <strong>de</strong> celui-ci, en position <strong>de</strong> satellites. Deux exemples que je vais<br />

détailler maintenant vont permettre d’observer ce glissement <strong>de</strong> l’histoire-cadre<br />

<strong>aux</strong> éléments paratextuels. Dans le premier, les Comptes amoureux <strong>de</strong> Jeanne Flore,<br />

il existe une circulation <strong>de</strong>s personnages entre les pièces liminaires, la structure<br />

<strong>de</strong> l’histoire-cadre et les récits, qui a pour effet, par la confusion qu’elle entretient<br />

entre fiction et métafiction, <strong>de</strong> poser la question <strong>de</strong> la limite entre les <strong>de</strong>ux.<br />

L’ouvrage s’ouvre sur <strong>de</strong>ux dédicaces, l’une émanant d’Egine Minerve, et s’adressant<br />

<strong>aux</strong> «␣ nobles dames amoureuses␣ », l’autre <strong>de</strong> Jeanne Flore à cette Minerve, sa<br />

chère cousine, qui par ailleurs appartient au groupe <strong>de</strong>s <strong>de</strong>visantes-conteuses et à<br />

ce titre va être responsable du quatrième conte. Les débats à l’issue du récit <strong>de</strong>s<br />

histoires ne se contentent pas <strong>de</strong> confronter <strong>de</strong>s points <strong>de</strong> vue ou <strong>de</strong> tirer <strong>de</strong>s<br />

principes <strong>de</strong> comportement. Ils opposent l’ensemble <strong>de</strong>s <strong>de</strong>visantes à l’une d’elles,<br />

Cébille, pour lui imposer une règle <strong>de</strong> conduite amoureuse. <strong>La</strong> fiction <strong>de</strong>s<br />

contes débor<strong>de</strong> sur l’univers <strong>de</strong>s narratrices, brouillant la distinction entre leurs<br />

réalités respectives.<br />

Le second exemple, Les discours <strong>de</strong>s champs faëz <strong>de</strong> Clau<strong>de</strong> <strong>de</strong> Taillemont, mérite<br />

qu’on s’y arrête parce qu’il présente une belle synthèse <strong>de</strong>s principes <strong>de</strong> l’histoire-cadre<br />

et <strong>de</strong>s éléments paratextuels, ceci dans une structure d’une extrême<br />

rigueur. Le texte est constitué, après la série <strong>de</strong>s liminaires (dédicace à Jeanne <strong>de</strong><br />

Navarre et poèmes), <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux discours, celui <strong>de</strong> Philaste et celui <strong>de</strong> son hôtesse<br />

Eumathe. Ces <strong>de</strong>ux parties d’égale longueur sont structurées <strong>de</strong> la même façon.<br />

Elles commencent par une section narrative – 45 et 46 pages – vouée à la mise en<br />

place <strong>de</strong> la narration-cadre, <strong>de</strong> la situation d’échange <strong>de</strong> propos et <strong>de</strong> récits. On y<br />

retrouve, développés à loisir, les topoï et poncifs propres <strong>aux</strong> recueils narratifs. Ils<br />

s’insèrent dans le topos <strong>de</strong> la vision nocturne où Minerve <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au narrateur<br />

d’amener Eumathe à plai<strong>de</strong>r la cause <strong>de</strong>s femmes et <strong>de</strong> l’amour, et on y retrouve<br />

les motifs connus <strong>de</strong> la passation d’autorité par un rameau d’olivier et celui du<br />

narrateur empruntant la persona du secrétaire <strong>de</strong>vant rédiger «␣ par escript ce <strong>de</strong><br />

quoy on y traitera␣ » 34 . Les divertissements dans le cadre obligé du jardin donnent<br />

prétexte à <strong>de</strong> nombreuses chansons, insistance sur la fiction d’oralité que traduit<br />

aussi l’importance accordée <strong>aux</strong> discours. Dans une disposition en chiasme, on a<br />

d’abord celui <strong>de</strong> Philaste (34 pages) auquel succè<strong>de</strong> le récit exemplaire d’Eumathe<br />

(19 pages), à quoi répon<strong>de</strong>nt, en <strong>de</strong>uxième partie, le discours d’Eumathe <strong>de</strong> 12<br />

pages et l’histoire <strong>de</strong> Philaste <strong>de</strong> 40 pages. Comme si une organisation si contrôlée<br />

ne suffisait pas, elle est mise en évi<strong>de</strong>nce par une série <strong>de</strong> pièces paratextuelles<br />

<strong>de</strong> transition entre les <strong>de</strong>ux parties : l’indication «␣ fin du premier discours␣ » avec<br />

la <strong>de</strong>vise «␣ <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> voir␣ » ; <strong>de</strong>ux poèmes et une adresse <strong>aux</strong> lecteurs. On ne sera<br />

pas surpris <strong>de</strong> retrouver un semblable appareillage <strong>de</strong> clôture du texte avec une<br />

mention «␣ fin du <strong>de</strong>uxième discours␣ » et une adresse finale «␣ Aux lecteurs␣ » qui<br />

s’empresse <strong>de</strong> déconstruire ce qui vient d’être si rigoureusement édifié. Taillemont

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