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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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LA NOUVELLE AFRICAINE FRANCOPHONE ET LES GENRES ORAUX<br />

<strong>nouvelle</strong> africaine. En effet, à l’origine (XV e et XVI e siècles), la <strong>nouvelle</strong> européenne<br />

est également très proche du conte. On note une exploitation judicieuse du folklore<br />

par les nouvellistes français du siècle <strong>de</strong>rnier, en particulier l’adroite intégration<br />

du folklore provençal par Alphonse Dau<strong>de</strong>t dans les Lettres <strong>de</strong> mon moulin. À<br />

cet égard, il n’est pas superflu <strong>de</strong> signaler que «␣ Le bouc sanguinaire <strong>de</strong> Papa<br />

Mboya␣ », dont il a été question plus haut, a tout l’air d’une espèce <strong>de</strong> «␣ chèvre <strong>de</strong><br />

monsieur Seguin␣ » à l’africaine 14 . <strong>La</strong> frontière entre la <strong>nouvelle</strong> et les genres tels<br />

que le conte fantastique, la légen<strong>de</strong> et la fable est très floue dans les œuvres <strong>de</strong> ces<br />

nouvellistes français. Ainsi, certains textes <strong>de</strong>s Lettres <strong>de</strong> mon moulin ou <strong>de</strong>s Contes<br />

du lundi d’Alphonse Dau<strong>de</strong>t sont présentés tantôt comme contes, tantôt comme<br />

<strong>nouvelle</strong>s, d’une édition à l’autre, d’un critique à l’autre. Il en est <strong>de</strong> même en ce<br />

qui concerne les Contes <strong>de</strong> la bécasse et les Contes du jour et <strong>de</strong> la nuit <strong>de</strong> Guy <strong>de</strong><br />

Maupassant. Toutefois, les <strong>nouvelle</strong>s africaines ont la propriété <strong>de</strong> se situer au<strong>de</strong>là<br />

<strong>de</strong>s extravagances d’une écriture ludique ou d’une banale excursion dans le<br />

mythe et le fantastique. Elles représentent, <strong>de</strong> manière allégorique ou parabolique,<br />

les drames et les situations <strong>de</strong> l’Afrique contemporaine.<br />

Il y a lieu, ici, <strong>de</strong> mettre l’accent sur le travail <strong>de</strong> dynamisation et d’enrichissement<br />

<strong>de</strong> la littérature orale opéré par ces nouvellistes qui ne se satisfont pas d’une<br />

reproduction automatique <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>rnière, mais la modèlent sur les sollicitations<br />

actuelles et sur le goût du public cosmopolite <strong>de</strong>s lecteurs, sans conteste<br />

différent <strong>de</strong> celui du conteur traditionnel qui, lui, a affaire au cercle restreint et<br />

relativement homogène <strong>de</strong>s auditeurs. Par-<strong>de</strong>là l’hybridisme inhérent à leur démarche,<br />

les nouvellistes en question, qui ont un sens certain <strong>de</strong> la fidélité à leurs<br />

origines culturelles, veulent préserver la teneur et la saveur <strong>de</strong> l’oralité à l’écrit.<br />

De cet «␣ accord <strong>de</strong> l’écriture et <strong>de</strong> l’oralité␣ » dont a parlé André Terrisse à propos<br />

<strong>de</strong>s contes <strong>de</strong> Birago Diop 15 , provient le charme singulier <strong>de</strong> certaines <strong>nouvelle</strong>s<br />

africaines dans lesquelles il est loisible <strong>de</strong> reconnaître les ressources <strong>de</strong> l’oralité 16 .<br />

L’apport du style oral emprunté au conteur traditionnel est particulièrement<br />

remarquable. Loin <strong>de</strong> contredire l’esthétique <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong>, il la sert avec bonheur<br />

<strong>de</strong> par sa vivacité, son intensité dramatique, sa fluidité et sa puissance évocatoire,<br />

ainsi qu’on peut s’en rendre compte dans «␣ Le Voltaïque␣ » d’Ousmane<br />

Sembène, un texte qui proclame sa filiation avec la tradition orale africaine. C’est<br />

dans les <strong>nouvelle</strong>s «␣ Mahmoud Fall␣ » et «␣ Souleymane␣ » que l’auteur <strong>de</strong> Voltaïque,<br />

<strong>La</strong> Noire <strong>de</strong>… donne la mesure <strong>de</strong> sa connaissance <strong>de</strong> l’art du conteur traditionnel.<br />

De ce <strong>de</strong>rnier, il cultive le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> présence polyvalente dans le récit, la<br />

verve colorée, savoureuse, émaillée <strong>de</strong> dictons, <strong>de</strong> proverbes, <strong>de</strong> sentences et autres<br />

commentaires incisifs, l’humour ou le franc comique et la propension au style <strong>de</strong><br />

la représentation. On retrouve chez Ousmane Sembène certains procédés oratoires<br />

qui permettent au conteur traditionnel <strong>de</strong> susciter la participation ou l’adhésion<br />

<strong>de</strong> son auditoire. C’est le cas lorsque, à plusieurs reprises, le narrateur parle<br />

<strong>de</strong> «␣ notre Souleymane␣ » (Souleymane est le nom du personnage principal <strong>de</strong> la<br />

<strong>nouvelle</strong> du même nom), comme si le portrait particulièrement caustique qu’il<br />

trace <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier était quelque chose <strong>de</strong> convenu entre lui et ses lecteurs.

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