La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

BRUNO BLANCKEMAN 319
structure en lézarde, elle porte le constat et le regret de ne plus pouvoir pratiquer
le récit comme entité romanesque close ni penser le sujet à l’identique. Chaque
nouvelle s’écrit ainsi comme un instantané hasardeux, qui présente une image
inachevée du sujet et tranche toute idée de totalité définitive. En cela, elle renoue
peut-être avec ses origines : le verbe «␣ noveler␣ » signifiait au Moyen Âge à la fois
«␣ changer␣ » et «␣ raconter␣ ». En cela aussi, elle participe d’une esthétique spécifique
à Guibert qui, dans les récits longs, recourt fréquemment à la déliaison, à la
percussion, pour saisir la dimension hétéroclite du sujet et la dominer par une
structure narrative souple.
Il est alors possible, en conclusion, de définir la nouvelle dans l’œuvre d’Hervé
Guibert comme une forme-support, qui aboutit à la conception limitée mais régulière
de recueils, et une forme-modèle, dont l’esprit commande, par mélancolie,
le récit d’autofiction.
NOTES
Bruno BLANCKEMAN
Université de Caen
1 Hervé GUIBERT, «␣ L’image fantôme␣ », L’image fantôme, Paris : Minuit, 1980, p.␣ 11.
Hervé GUIBERT, L’image fantôme, «␣ L’image parfaite␣ », p.␣ 22.
2
Hervé GUIBERT, L’image fantôme, «␣ Photo animée␣ », p.␣ 47.
3
Hervé GUIBERT, L’image fantôme, «␣ La chambre␣ », p.␣ 70.
4
Hervé GUIBERT, Les aventures singulières, Paris : Minuit, 1982.
5
Hervé GUIBERT, Les aventures singulières, «␣ Le voyage à Bruxelles␣ », p.␣ 58.
6
Hervé GUIBERT, Les aventures singulières, p.␣ 66.
7
Hervé GUIBERT, L’image fantôme, «␣ L’image parfaite␣ », p.␣ 24.
8
Hervé GUIBERT, «␣ Le roman fantôme␣ », La piqûre d’amour et autres textes, suivi de La chair fraîche,
Paris : Gallimard, 1994, p.␣ 129.
9
Hervé GUIBERT, «␣ Mauve le vierge␣ », Mauve le vierge, Paris : Gallimard, 1988, p.␣ 20.