La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

PRATIQUES DU RECUEIL DE NOUVELLES
DES ORIGINES À 1996
Vous vous êtes arrêté devant la vitrine d’un libraire, vous avez regardé des titres, vous
êtes entré, vous avez feuilleté des livres. Et vous avez acheté non pas un roman
mais… ce volume : un volume de nouvelles. Le savez-vous bien ? N’est-ce pas une
erreur ? En êtes-vous conscient ?
Catherine d’Etchéa, préface à Des demeures et des gens, nouvelles, 1975.
Lorsqu’on traite de la nouvelle dans ses rapports avec le roman, c’est pour
n’opposer jamais à la forme longue que la notion de nouvelle en soi, c’est-à-dire
la forme courte détachée de son contexte «␣ naturel␣ » puisqu’il ne faut pas oublier
que la nouvelle, prépubliée ou non, est toujours destinée à entrer dans un volume
(des nouvelles parues d’abord seules, Carmen, Colomba, Spirite, nouvelle
fantastique de Th. Gautier, Le silence de la mer, des titres de la collection «␣ L’instant
romanesque␣ » des années 1980… ont fini par être incorporés dans un recueil).
Viendrait-il à l’esprit d’un lecteur qui achète un recueil de nouvelles de ne lire
qu’un texte ? Je ne saurais dès lors que me réjouir que trois communications, en
dehors de la mienne, abordent la question du recueil de nouvelles.
Le liseur de nouvelles que je suis a toujours cru à la réalité d’une histoire de la
nouvelle, et d’une histoire qui couvre plusieurs siècles en remontant de nos jours
jusqu’au xv e siècle, date où la nouvelle, pour la première fois, s’organise et se structure
en genre spécifique à l’exemple du modèle représenté par Le Décaméron –
une histoire qui est contestée par certains esprits occupés à réfléchir sur les quelques
rares nouvelles qu’ils ont lues, en oubliant/omettant/négligeant les autres.
De ce point de vue, l’étude de la notion de recueil, à partir du corpus de volumes
de textes courts que j’ai dépouillés (le total avoisine les cinq mille titres 1 ), intitulés
«␣ nouvelles␣ », «␣ contes␣ », «␣ histoires␣ », «␣ récits␣ » 2 …, établit que les auteurs de
quelque époque que ce soit s’inscrivent à un moment ou l’autre dans une tradition
fondée sur la permanence d’une série d’archétypes, apparents et qui lui sont
propres. Que le XX e siècle leur en substitue de nouveaux atteste indirectement
leur existence puisque, sans elle, ils n’auraient pas de raison d’être.
Plutôt que d’aborder l’analyse conjointe de ces archétypes, quatre permanents,
deux récents, époque par époque, il m’a semblé plus indiqué de les envisager
dans leur continuité un par un. Avec ces remarques : les chiffres sont loin d’être
exhaustifs pour le XIX e siècle et les années 1900-1940 ; après cette dernière date,
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