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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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GUY OSSITO MIDIOHOUAN 463<br />

ment 4 –, s’agissant <strong>de</strong>s auteurs qui retiennent ici notre attention, le contexte<br />

dans lequel ils évoluaient semblait imposer une «␣ écriture d’urgence␣ » <strong>de</strong> sorte<br />

qu’ils ne s’interrogeaient guère sur la nature <strong>de</strong> leur discours. L’ambition était<br />

beaucoup plus <strong>de</strong> produire <strong>de</strong>s textes à consommer «␣ à chaud␣ » que <strong>de</strong> faire œuvre<br />

littéraire. Ce qui était visé, en fait, ce n’était pas la beauté dans ce qui fait sa<br />

permanence mais l’efficacité immédiate du message délivré. Le texte narratif court<br />

était apparu à ces auteurs comme le genre le mieux approprié à la nature pédagogique<br />

et revendicative <strong>de</strong> leur message.<br />

En <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong> commodité, on peut aussi voir dans la brièveté <strong>de</strong> ces<br />

textes une influence <strong>de</strong> la littérature orale. En effet, le texte narratif court est plus<br />

proche <strong>de</strong> certains genres <strong>de</strong> la littérature orale, comme le conte, que d’une œuvre<br />

<strong>de</strong> plusieurs centaines <strong>de</strong> pages. On note d’ailleurs que les formes littéraires<br />

locales constituent la référence pour la plupart <strong>de</strong> ces auteurs. Pour Paul Lomami-<br />

Tshibamba, nous l’avons déjà dit, Ngando est un «␣ conte␣ ». Dans Les trois volontés<br />

<strong>de</strong> Malic, Ahmadou Mapaté Diagne accor<strong>de</strong> un intérêt particulier à l’art <strong>de</strong> Yakham,<br />

le griot, et lui fait jouer un rôle important dans l’évolution du récit : «␣ Un groupe<br />

d’enfants s’est approché <strong>de</strong> Yakham et le vieux griot leur raconte <strong>de</strong>s histoires qui<br />

les font se tordre <strong>de</strong> rire. Ce sont <strong>de</strong>s contes dans lesquels l’imbécile loup se laisse<br />

toujours tromper par le rusé lapin␣ » (p.␣ 5). N’ayant jamais fréquenté d’autre école<br />

que celle <strong>de</strong> l’armée coloniale, <strong>La</strong>mine Senghor ne pouvait s’embarrasser <strong>de</strong> modèles<br />

littéraires occi<strong>de</strong>nt<strong>aux</strong>. C’est dans les genres or<strong>aux</strong> qu’il va naturellement<br />

rechercher une littérarité pour <strong>La</strong> violation d’un pays que son préfacier dit avoir<br />

«␣ lu d’un trait comme une légen<strong>de</strong> merveilleuse, aussi cruelle que les contes d’enfants<br />

qui forment le fond du folklore <strong>de</strong> tous les peuples␣ » (p.␣ 6).<br />

Par ailleurs, «␣ la séparation <strong>de</strong>s genres [étant] le dogme d’une littérature classique<br />

européenne et non une règle universelle <strong>de</strong> la littérature 5 ␣ », il est permis <strong>de</strong><br />

penser que le cafouillage <strong>de</strong>s genres que nous avons signalé dans les textes cités<br />

plus haut s’explique, dans une certaine mesure, par cette influence <strong>de</strong> l’art littéraire<br />

endogène où les différents mo<strong>de</strong>s du discours ne se distinguent pas les uns<br />

<strong>de</strong>s autres <strong>de</strong> façon absolue. Dans tous les cas, force est <strong>de</strong> constater, lorsque sa<br />

forme commence à <strong>de</strong>venir <strong>de</strong> plus en plus précise, que la <strong>nouvelle</strong> continue<br />

d’entretenir <strong>de</strong>s rapports avec la littérature orale, avec le conte en particulier, et<br />

qu’elle s’adapte à l’univers culturel africain.<br />

VERS UNE CONCEPTION PLUS PRÉCISE DE L’ESTHÉTIQUE DE LA NOUVELLE<br />

Dans la confusion où se trouve le genre <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong> pendant toute la pério<strong>de</strong><br />

coloniale, un fait important mérite d’être souligné, qui constitue l’indice<br />

d’une évolution : au len<strong>de</strong>main <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième guerre mondiale, certains textes<br />

sont étiquetés comme «␣ <strong>nouvelle</strong>s␣ ». C’est le cas <strong>de</strong> «␣ Tounka␣ » d’Abdoulaye Sadji,<br />

paru en feuilleton en septembre et octobre␣ 1946 dans le quotidien Paris-Dakar<br />

sous le titre «␣ Tounka : <strong>nouvelle</strong> africaine␣ ». D’autres suivront : «␣ Le village afri-

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