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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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ÉVELYNE BALLANFAT 405<br />

n’est pas, <strong>de</strong> manière répétée en tout cas, une démarche d’écriture très souhaitable.<br />

Elle renvoie ensuite au lecteur l’image très illusoire du «␣ meilleur␣ » texte comme<br />

si les critères étaient aussi objectifs que dans une compétition sportive. S’agit-il<br />

bien là <strong>de</strong> rencontres, d’émulation constructive ou, parfois, <strong>de</strong> joute inquiète<br />

pour se faire publier ? Or, si l’on refuse la peu gratifiante édition à compte d’auteur,<br />

que reste-t-il ? Il nous semble que la revue peut être alors tout à la fois la frontière<br />

– filtrant la qualité <strong>de</strong>s textes – et le passeport permettant à l’auteur <strong>de</strong> passer du<br />

territoire obscur du non-publié à la lumière <strong>de</strong> l’édité. Car il est vrai qu’avant<br />

d’être reconnu, il faut déjà pouvoir se faire connaître. Le fait <strong>de</strong> voir son manuscrit<br />

imprimé dans une revue n’est pas une simple satisfaction narcissique. Il permet<br />

à ce texte <strong>de</strong> prendre une autonomie par rapport à son auteur et donc à ce<br />

<strong>de</strong>rnier <strong>de</strong> trouver la distance indispensable qui permet <strong>de</strong> se corriger par la suite.<br />

Je crois surtout qu’il donne la possibilité d’entrer sur un terrain nécessaire :<br />

celui <strong>de</strong> la vie littéraire. On a coutume <strong>de</strong> lire dans maints journ<strong>aux</strong> ou magazines<br />

d’informations, quand sort un livre digne d’éloges, qu’«␣ enfin s’éclaire l’horizon<br />

littéraire, si sombre et fa<strong>de</strong>␣ ». Comme si nous vivions actuellement et <strong>de</strong>puis<br />

quelques décennies dans un horrible marasme qui nous ferait rougir <strong>de</strong> honte<br />

par rapport au passé. Cette vision déformante du mon<strong>de</strong> littéraire, véhiculée par<br />

les médias, a tendance à réduire encore les échanges entre ceux qui aiment l’écrit.<br />

Comme le précisait récemment Sylvie Germain dans un débat, ce type d’affirmation<br />

induit dans les esprits une vision <strong>de</strong> la littérature contemporaine réellement<br />

affligeante. Par ailleurs, même si l’on est conscient qu’un tel miroir est déformant,<br />

comment prendre contact avec ceux qui écrivent, avec ces compatriotes<br />

qu’on ignore ? On ne peut, bien sûr, quand on va dans un salon, ou qu’on participe,<br />

jury ou auteur, à un concours, acheter toutes les revues. <strong>La</strong> question n’est<br />

pas là. Mais par l’engagement à lire régulièrement une revue, autre que les très<br />

grands tirages, on fait bien plus à nos yeux qu’un geste con<strong>de</strong>scendant.<br />

D’une part, on contribue à faire sortir la <strong>nouvelle</strong> <strong>de</strong> son statut d’insulaire, on<br />

la relie à la fois à l’actualité et à la littérature <strong>de</strong> plus grands éditeurs. On donne<br />

ensuite <strong>aux</strong> lecteurs l’occasion <strong>de</strong> rester à l’écoute <strong>de</strong>s productions, souvent fécon<strong>de</strong>s,<br />

<strong>de</strong> leur temps. Par ce même mouvement, on permet à beaucoup d’écrire<br />

et d’aimer l’écrit. On fait aussi circuler l’information littéraire qui, seule, peut<br />

contrecarrer l’affirmation qu’«␣ il ne se passe pas grand-chose␣ ». Là encore, que<br />

d’erreurs <strong>de</strong> perspective ! Est-ce que l’existence <strong>de</strong> musiciens amateurs, <strong>de</strong> formations<br />

honnêtes mais sans prétentions internationales, a jamais empêché Bach ou<br />

Beethoven <strong>de</strong> briller ? Bien au contraire, semble-t-il, elle permettait <strong>de</strong> mieux<br />

reconnaître encore la qualité <strong>de</strong>s grands, tout en stimulant les futurs talents.<br />

Vécue <strong>de</strong> l’intérieur, la réalité d’une revue <strong>de</strong> <strong>nouvelle</strong>s est à chaque fois une<br />

aventure, et l’accostage est souvent périlleux. Là, le terme <strong>de</strong> frontière prend son<br />

sens plein <strong>de</strong> limite car d’un numéro à l’autre, les mêmes questions se posent :<br />

Pourra-t-on sortir le suivant ? le lectorat va-t-il s’élargir ? comment faire évoluer<br />

la revue pour que la gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong> ses lecteurs ne soit pas seulement <strong>de</strong>s

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