La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

RENÉ GODENNE 495
bre), les textes sont classés par difficulté (A. Demouzon, Le crime de la porte
jaune et autres nouvelles, 1985), par ordre alphabétique (J. Sternberg, 188
contes à régler, 1988, Dieu moi et les autres, 1995…)
La notion d’ensemble existe par ailleurs de recueil à recueil : il s’agit de suites
manifestes (M. Jouhandeau, Contes d’enfer, 1955, Contes d’enfer II, 1960 ; Y. Naubert,
Contes de la solitude, 1967, Contes de la solitude II, 1972 ; J.␣ Sternberg, Histoires à
dormir sans vous, 1990, Histoires à mourir de vous, 1991 ; C.␣ Fleishmann, Rendezvous
au métro Saint-Paul, 1993, Nouveaux rendez-vous au métro Saint-Paul, 1994,
Derniers rendez-vous au métro Saint-Paul, 1995…), de «␣ séries␣ » (J. Stéfan, Les accidents,
nouvelles (ou Variations), 1984, La fête de la patronne (nouvelles ou Variations
III), 1991, Scènes dernières, histoires de vie-mort, Variations V, 1995…), ou l’unité
court d’un texte à l’autre. Chez C.␣ Charbonneau-Tissot : «␣ … Le réseau des craquelars
[La contrainte, nouvelles, 1976] est la suite logique de Capibeig [Contes pour hydrocéphales
adultes, 1974]␣ » ; chez J.-P.␣ Andrevon : «␣ Sous le regard des étoiles [en
recueil éponyme, 1989, p. 270] se veut le troisième (et probablement ultime)
volet du cycle de la fin douce de l’humanité, débuté avec Le monde enfin (dans le
recueil collectif Utopies 75) et pour suivre avec La tigresse de Malaisie [Il faudra bien
se résoudre à mourir seul, 1983]␣ ».
Avec ses premiers recueils (de 1949 à 1966), A. Stil caressa le projet, qui ne s’est
pas concrétisé, de ne faire qu’un ensemble :
La question du bonheur est posée est le titre général sous lequel l’auteur a le projet de
publier, au cours des années à venir, un ensemble organisé de nouvelles. Celles qui
sont recueillies dans ce volume ne constitueront pas une première partie de l’ensemble.
Elles y seront dispersées, séparées par d’autres, où se retrouveront des lieux et des
personnages déjà connus. Il se trouve même que quelques détails des nouvelles ciaprès
sont appelés à prendre plus de signification, éclairés par ces nouvelles encore
inédites. Un classement s’opérera progressivement, chacune des prochaines livraisons
contenant une table de toutes les nouvelles publiées. (La question du bonheur est
posée. 1. Le blé égyptien, 1956, avertissement).
Que la plupart des nouvellistes cités ici soient des nouvellistes par tempérament,
non occasionnels, des nouvellistes majeurs de surcroît, témoigne d’une
volonté de se démarquer d’une tradition (comme ils pratiquent en réaction à la
nouvelle-histoire la nouvelle-instant) en gommant les différences entre recueil et
roman. Reconnaissons que la notion de recueil-ensemble ne va pas sans ambiguïté,
en ce qu’elle contribue inévitablement à rattacher l’idée de volume de nouvelles
– et sa confection – à celle de roman (ce n’est pas un hasard si la référence
au roman est constante). L’équivoque est réelle. Le fait que les nouvellistes
prépublient moins leurs textes (il faut toujours revenir à cette situation éditoriale),
composant en quelque sorte leur recueil comme un livre (le terme est préféré
à «␣ recueil␣ » dans les préfaces, etc.) au même titre que les romanciers, favorise
cette manière d’organiser des textes autour d’une idée, d’une image, etc. Ne se-