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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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22<br />

LA NOUVELLE À L’ÉPREUVE DU ROMAN MÉDIÉVAL<br />

<strong>de</strong>s femmes : «␣ Mais une chose me sembla moult estrange, que son mari, le marquiz Gaultier <strong>de</strong><br />

Saluces y fust si dur, et la cause pourquoy il ne se vouloit marier. Et ensievant, je vous prie que il<br />

vous plaise <strong>de</strong> moy dire les causes pourqoy le marquiz la triboula ainsi␣ » (f° 172c). À l’intérieur même<br />

<strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong>, les sujets <strong>de</strong> Gautier <strong>de</strong> Saluces sont les premiers récepteurs critiques du comportement<br />

<strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier : «␣ Et commençoit du marquiz une tres mauvaise renommée […]. Se le pueple<br />

en murmuroit, et oncquez pour ce son dur courage ne se mua […]␣ » (fos 141d-142a). <strong>La</strong> position du<br />

bourgeois rédacteur du Mesnagier <strong>de</strong> Paris est similaire : «␣ l’istoire parle <strong>de</strong> trop grant cruaulté, a mon<br />

adviz plus que <strong>de</strong> raison, et croy que ce ne fust onques vray␣ » (éd. Georgina E.␣ BRERETON et Janet<br />

M.␣ FERRIER. Paris : Le <strong>Livre</strong> <strong>de</strong> poche [Lettres gothiques], 1994, p.␣ 232). Le récit du Chevalier justifie<br />

la méfiance <strong>de</strong> Gautier envers les femmes et sa décision <strong>de</strong> mettre son épouse à si ru<strong>de</strong> épreuve par<br />

la mésaventure conjugale subie par le père, Guillaume.<br />

25 «␣ Il fu vray que […] nous trouvons acertés␣ » (ch. 70, f° 38d, à propos d’Alerain), «␣ <strong>de</strong> la pure verité<br />

je en suis bien informéz␣ » (ch. 335, à propos <strong>de</strong> Guillaume <strong>de</strong> Saluces).<br />

26 Le Chevalier réclame à Connaissance le récit <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> sa grand-mère Richar<strong>de</strong> <strong>de</strong> Saluces car,<br />

dit-il, «␣ je n’ai pas memoire <strong>de</strong> tous ses faiz␣ » (ch. 349, f° 182a). Plus largement, l’association <strong>de</strong><br />

l’écriture à la mémoire est au Moyen Âge un topos dont témoigne Marie <strong>de</strong> France dans le prologue<br />

<strong>de</strong> ses <strong>La</strong>is : «␣ […] pur remembrance les firent / <strong>de</strong>s aventures qu’il oïrent / cil ki primes les comencierent<br />

/ e ki avant les enveierent. / Plusurs en ai oï conter, / nes vueil laissier ne oblïer␣ » (éd. Karl WARNKE.<br />

Paris : Le <strong>Livre</strong> <strong>de</strong> poche [Lettres gothiques], 1990, v. 35-40). <strong>La</strong> vocation d’un roman encyclopédique<br />

comme le <strong>Livre</strong> du Chevalier errant est aussi <strong>de</strong> perpétuer toutes sortes <strong>de</strong> savoirs jugés utiles<br />

à l’«␣ honnête homme␣ » du temps.<br />

27 Outre les sources inci<strong>de</strong>mment mentionnées pour plusieurs <strong>nouvelle</strong>s, on peut ajouter quelques<br />

informations concernant les autres. L’histoire d’Alerain dérive <strong>de</strong> trois chroniques latines du XIV e<br />

s.␣ Celle <strong>de</strong> Theseus provient <strong>de</strong> Theseus <strong>de</strong> Cologne, roman du XIV e s.␣ (remaniant une source antérieure<br />

perdue), hybri<strong>de</strong> <strong>de</strong> chanson <strong>de</strong> geste et <strong>de</strong> roman d’aventures (tendance en vogue à la fin<br />

du Moyen Âge). L’histoire <strong>de</strong> Sebile provient d’une chanson <strong>de</strong> geste <strong>de</strong> la fin du XII e␣ s., Macaire ou<br />

<strong>La</strong> reine Sebile, qui eut assez <strong>de</strong> succès pour faire l’objet d’un remaniement franco-italien, être résumée<br />

au XIV e s.␣ par Jean d’Outremeuse dans son Miroir <strong>de</strong>s histoires, puis être mise en prose au XV e<br />

dans la compilation Garin <strong>de</strong> Monglane. L’aventure d’Alexandre et la pierre magique est tirée du<br />

Voyage d’Alexandre au Paradis terrestre (entre␣ 1270 et␣ 1350), inspiré d’un texte indépendant beaucoup<br />

plus ancien, l’Iter ad Paradisum, et fréquemment interpolé dans la branche 3 du Roman d’Alexandre<br />

et dans les Faits <strong>de</strong>s Romains. Enfin l’histoire <strong>de</strong> la «␣ prestresse␣ » reprend l’argument <strong>de</strong> plusieurs<br />

fabli<strong>aux</strong>, mais avec une fin tragique.

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