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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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NOUVELLE ET CONTE EN FRANCE,<br />

À LA RENAISSANCE<br />

C’est avec quelque réserve qu’on abor<strong>de</strong> la question <strong>de</strong> la différence entre<br />

«␣ conte␣ » et «␣ <strong>nouvelle</strong>␣ ». Le problème est classique, et la bibliographie considérable.<br />

Ces <strong>de</strong>ux vocables sont-ils à peu près synonymes, ou renvoient-ils à <strong>de</strong>s réalités<br />

différentes, voire opposées ? En posant <strong>de</strong> nouveau la question, on a le droit<br />

d’éprouver encore une autre crainte : comment éviter les redites, lorsque (comme<br />

c’est notre cas) on se heurte au problème <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s décennies 1 ?<br />

Tout d’abord, nous essaierons <strong>de</strong> rendre à la question sa fraîcheur, en ne recourant<br />

que très discrètement à la bibliographie. D’autre part, nous raisonnerons<br />

presque exclusivement sur le XVI e siècle français (au sens large), laissant libres les<br />

éventuelles applications à la <strong>nouvelle</strong> ou au conte contemporains. Enfin, alors<br />

que le modèle théorique que nous allons échafau<strong>de</strong>r à partir <strong>de</strong> ce corpus appellerait<br />

toutes sortes <strong>de</strong> nuances, les besoins <strong>de</strong> cette synthèse vont nous contraindre<br />

à faire saillir les angles.<br />

Commençons par une évi<strong>de</strong>nce. Il n’existe nulle part, dans l’absolu d’aucune<br />

«␣ nature␣ », un «␣ vrai␣ » sens <strong>de</strong>s mots, qu’il s’agirait d’arracher <strong>aux</strong> ténèbres, <strong>de</strong><br />

redécouvrir à force <strong>de</strong> clairvoyance investigatrice ou par une intuition géniale<br />

(comme on trouve «␣ la febve au gasteau␣ »). Les mots «␣ conte␣ » et «␣ <strong>nouvelle</strong>␣ »<br />

sont simplement <strong>de</strong>s combinaisons <strong>de</strong> phonèmes, et la seule vérité sémantique<br />

est celle <strong>de</strong> l’usage. Nos écrivains <strong>de</strong> la Renaissance savent bien que les noms sont<br />

arbitraires, «␣ imposés à plaisir␣ » pour désigner <strong>de</strong>s «␣ choses␣ » ou <strong>de</strong>s concepts.<br />

Notre tâche se limitera donc à constater les pratiques <strong>de</strong> la <strong>langue</strong> : comment nos<br />

aïeux opéraient-ils la distribution sémantique entre les <strong>de</strong>ux termes <strong>de</strong> «␣ conte␣ »<br />

et <strong>de</strong> «␣ <strong>nouvelle</strong>␣ », qui s’offraient à eux pour désigner les productions du genre<br />

narratif bref en prose ? On doit se borner à cette constatation, et s’interdire<br />

(répétons-le) toute extrapolation vers un «␣ vrai␣ » sens <strong>de</strong>s termes génériques. Ceuxci<br />

n’ont que la signification – historiquement variable – que nos prédécesseurs<br />

ont bien voulu (que nous voulons bien), provisoirement, leur prêter.<br />

Depuis les origines du français – en tout cas <strong>de</strong>puis le XII e siècle –, l’action <strong>de</strong><br />

narrer <strong>de</strong>s événements (réels ou fictifs, peu importe) se dit «␣ conter␣ », et le récit<br />

lui-même s’appelle le «␣ conte␣ », que l’on se plaît à «␣ raconter␣ », c’est-à-dire à conter<br />

<strong>de</strong> nouveau. Cette famille <strong>de</strong> mots règne sans partage sur le champ sémantique<br />

: le terme <strong>de</strong> «␣ récit␣ » n’apparaîtra qu’au XV e siècle ; celui <strong>de</strong> «␣ narration␣ » (ou<br />

<strong>de</strong> «␣ narré␣ ») reste longtemps cantonné dans la <strong>langue</strong> savante ; <strong>de</strong> celui <strong>de</strong> «␣ <strong>nouvelle</strong>␣<br />

», nous allons nous occuper incessamment : notons simplement qu’il ne<br />

<strong>de</strong>vient courant qu’après la fin du XV e siècle. Les seuls vocables aussi anciens que<br />

la famille «␣ conte/conter/raconter␣ » et qui auraient pu la concurrencer sont «␣ <strong>de</strong>-

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