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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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ELS WOUTERS<br />

261<br />

Selon Gid<strong>de</strong>y, la longueur <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong> est donc certainement suffisante,<br />

pour ne pas dire idéale, pour que tous les éléments nécessaires au récit policier y<br />

soient intégrés. Toute addition <strong>de</strong> données dramatiques accessoires serait superflue.<br />

Dans l’œuvre plus ou moins instructive <strong>de</strong>s Mystery Writers of America, qui<br />

donnent eux-mêmes <strong>de</strong>s renseignements pour écrire <strong>de</strong> la littérature policière,<br />

Edward D.␣ Hoch partage cette même opinion dans sa contribution intitulée «␣ Les<br />

avantages <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong>␣ ». Dans cet article, il expose les raisons pour lesquelles la<br />

forme <strong>de</strong> l’histoire courte est plus intéressante : «␣ [Elle a] une longueur idéale<br />

[…], permettant une exposition du problème, une enquête, la découverte d’indices<br />

et <strong>de</strong> f<strong>aux</strong> suspects, ainsi que la solution finale 3 .␣ »<br />

Selon Franco Moretti 4 , les auteurs policiers <strong>de</strong>vraient même éviter autant que<br />

possible l’emploi <strong>de</strong> la forme romanesque, car sa longueur n’est qu’un supplément<br />

quantitatif, qui ne contribue en rien à la qualité du récit. Bien que le roman<br />

policier compte dix fois le nombre <strong>de</strong> pages <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong> policière, la structure<br />

fondamentale <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> récit est i<strong>de</strong>ntique.<br />

D’autres spécifient que le récit court est la forme par excellence <strong>de</strong> l’histoire «␣ à<br />

énigme␣ », dans laquelle l’intrigue est assez schématique et les personnages plutôt<br />

statiques, sans caractérisation approfondie : «␣ […] le récit <strong>de</strong> détection pure, avec<br />

son énigme et sa résolution, est tout à fait à l’aise sur vingt ou trente pages manuscrites<br />

5 ␣».<br />

<strong>La</strong> citation suivante <strong>de</strong> Paul Carmignani étaie d’ailleurs cette thèse : «␣ L’art […]<br />

<strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong> implique […] <strong>de</strong> manière plus impérative que le roman, la détermination<br />

<strong>de</strong> la cause par l’effet 6 ␣ », ce qui correspond très bien à la structure<br />

d’«␣ histoire à l’envers␣ » du récit policier classique : l’enquête vient nécessairement<br />

après le crime, qui constitue le vrai point <strong>de</strong> départ du récit. L’investigation<br />

du crime n’est alors rien d’autre que la recherche <strong>de</strong> sa cause logique.<br />

En expliquant les manières dont l’auteur policier peut changer un récit bref en<br />

roman policier, Thomas M.␣ Leitch conclut lui aussi au caractère «␣ rationnel␣ » <strong>de</strong><br />

la <strong>nouvelle</strong>, sa constatation principale étant celle-ci :<br />

In each case the author turns his story into a novel by emphasizing the provisional<br />

suspension of reason 7 .<br />

Dans le roman, les éléments dits accessoires sur le plan du contenu servent à<br />

remplir l’espace entre la présentation <strong>de</strong>s conséquences du crime, d’une part, et<br />

leur résolution, d’autre part. Parce que la <strong>nouvelle</strong> se précipite plus vers sa fin,<br />

l’accent y est mis presque uniquement sur les raisonnements du détective et sur<br />

la façon dont ils contribuent directement à l’éclaircissement du mystère. À cause<br />

<strong>de</strong> sa brièveté et <strong>de</strong> sa concentration, le récit bref est plus téléologique, se dirigeant<br />

logiquement vers un point final, et, pour cette même raison, il est considéré<br />

comme la forme préférée du récit à énigme pur, dans lequel le mystère du

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