03.07.2013 Views

La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

MADELEINE JEAY 25<br />

commerce – l’imprimerie et l’édition –, la constitution <strong>de</strong> cercles <strong>de</strong> littérateurs et<br />

celle d’un corpus et <strong>de</strong> genres dont certains accé<strong>de</strong>ront à la dignité tandis que<br />

d’autres seront déclassés dans le populaire. Les éléments <strong>de</strong> périgraphie qui font<br />

barrage à l’entrée du texte en se proposant <strong>de</strong> le justifier et <strong>de</strong> l’authentifier,<br />

fonctionnent comme ces «␣ fortifications à la Vauban␣ » dont parle Louis Marin<br />

pour le XVII e siècle 12 . Ne jouent-ils pas aussi le rôle d’appareil défensif <strong>de</strong>stiné à<br />

justifier un genre qui tend à se dévaluer 13 ?<br />

L’exemple le plus évi<strong>de</strong>nt pour illustrer ces enjeux du péritexte est celui<br />

d’Étienne Tabourot, grâce <strong>aux</strong> informations qu’offre Francis Goyet, l’éditeur <strong>de</strong>s<br />

Bigarrures qui reproduit l’édition <strong>de</strong> 1588 chez Jean Richer. L’intéressant, dans le<br />

cas <strong>de</strong> Tabourot, ce ne sont pas tant les pièces liminaires qui accompagnent son<br />

propre ouvrage que celles qu’il a produites pour ceux <strong>de</strong> «␣ collègues␣ ». Goyet a eu<br />

l’heureuse idée d’énumérer en introduction les poèmes dus à Tabourot et placés<br />

en tête d’autres ouvrages 14 . Il y a par exemple un sonnet «␣ À Monsieur Belleau sur<br />

sa Bergerie␣ » que le réputé poète fait imprimer dans l’édition <strong>de</strong> 1572 <strong>de</strong> sa Bergerie,<br />

alors qu’il s’abstient <strong>de</strong> faire imprimer un «␣ Adieu <strong>de</strong> R.␣ Belleau à son Papillon<br />

sur la version <strong>de</strong> P.␣ Est. Tabourot␣ », pièce en octosyllabes qui ouvre la traduction<br />

par notre auteur du Fourmy <strong>de</strong> Ronsard et du Papillon <strong>de</strong> Belleau. Aussi bien,<br />

conclut Goyet, «␣ jusqu’à la mort <strong>de</strong> Belleau en 1577, Tabourot ne représente encore<br />

rien 15 ␣ ». On voit ensuite Tabourot se ménager une relation avec <strong>de</strong>ux autorités<br />

littéraires, Pontus <strong>de</strong> Tyard et surtout Étienne Pasquier avec qui il y a échange<br />

<strong>de</strong> poèmes liminaires. Quatre distiques <strong>de</strong> Tabourot imprimés à la fin <strong>de</strong> l’édition<br />

<strong>de</strong> 1584 <strong>de</strong> la Main ou œuvres poétiques faits sur la main <strong>de</strong> Estienne Pasquier, suscitent<br />

un poème <strong>de</strong> Pasquier en réponse et un échange <strong>de</strong> lettres où le maître fera<br />

l’éloge <strong>de</strong>s Bigarrures. Remarques que Tabourot insérera dans sa troisième édition<br />

«␣ sans manquer une seule fois <strong>de</strong> citer le nom <strong>de</strong> celui-ci [Pasquier] : pour Tabourot,<br />

c’est la preuve d’une reconnaissance littéraire, voire d’une consécration 16 ␣ ». L’usage<br />

approprié <strong>de</strong>s poèmes liminaires montre comment Tabourot le Dijonnais exploite<br />

la fascination qu’exerce sur lui le milieu littéraire parisien pour parvenir à s’insérer<br />

dans ce cercle d’élite. Un huitain placé dans les <strong>de</strong>rnières pages <strong>de</strong>s Touches,<br />

dédié à «␣ À Messire Michel <strong>de</strong> Montagne chevalier <strong>de</strong> l’ordre du Roy␣ », est un<br />

«␣ véritable carnet mondain où Tabourot note les personnalités rencontrées à Paris␣<br />

» 17 .<br />

Faisant un saut dans le temps et l’espace, on peut observer l’amorce <strong>de</strong> ce phénomène<br />

d’exploitation <strong>de</strong>s poèmes liminaires pour inscrire, dans le volume même,<br />

le milieu dans lequel l’auteur gravite. Les Comptes amoureux <strong>de</strong> Jeanne Flore marquent<br />

leur origine lyonnaise en particulier par un huitain liminaire qui est sans<br />

doute une réponse à celui qui ouvrait la Deplourable fin <strong>de</strong> Fiammette dans la version<br />

donnée par Maurice Scève en 1535. On imagine à partir <strong>de</strong> cela l’appartenance<br />

<strong>de</strong> l’auteur <strong>de</strong>s Comptes amoureux au groupe italianisant <strong>de</strong> Lyon, auquel<br />

s’ajoutera Marot lors <strong>de</strong> son séjour dans cette ville à l’hiver <strong>de</strong> 1536-37 18. Les<br />

poèmes qui accompagnent les œuvres <strong>de</strong> Poissenot renvoient à <strong>de</strong>s groupes diffé-

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!