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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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504<br />

DE L’EMPÊCHEMENT LYRIQUE DE LA NOUVELLE<br />

domaine <strong>de</strong> l’opérette – mais ne s’agit-il pas là d’un genre précisément contigu à<br />

l’opéra et ne nous intéresse-t-il pas précisément à ce titre ? –, plus près <strong>de</strong> nous<br />

Arabella <strong>de</strong> Strauss (d’après une <strong>nouvelle</strong> <strong>de</strong> son librettiste attitré Hugo von<br />

Hoffmannsthal), L’ange <strong>de</strong> feu <strong>de</strong> Prokofiev (d’après une <strong>nouvelle</strong> <strong>de</strong> V.␣ Briussov<br />

publiée en 1907), Le dialogue <strong>de</strong>s carmélites <strong>de</strong> Poulenc (la pièce <strong>de</strong> Bernanos est<br />

elle-même adaptée d’une <strong>nouvelle</strong> <strong>de</strong> Gertru<strong>de</strong> von Le Fort, datant <strong>de</strong> 1939), Le<br />

tour d’écrou <strong>de</strong> B.␣ Britten (le premier tour avait été donné par H.␣ James) ; enfin –<br />

incursion hardie dans le pré carré <strong>de</strong> la musique dodécaphonique – Le prisonnier<br />

du compositeur italien Luigi Dallapiccola, ouvrage composé après la secon<strong>de</strong> guerre<br />

mondiale (1949) en lequel les critiques s’accor<strong>de</strong>nt à reconnaître un chef-d’œuvre<br />

absolu <strong>de</strong> notre temps 1 , est inspiré <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux <strong>nouvelle</strong>s : d’une part <strong>La</strong> torture par<br />

l’espérance (1883) <strong>de</strong> Villiers <strong>de</strong> l’Isle-Adam, d’autre part Légen<strong>de</strong> et aventures<br />

d’Uylenspiegel et <strong>de</strong> <strong>La</strong>mme Goedzak <strong>de</strong> Charles <strong>de</strong> Coster (1867). Rien d’étonnant<br />

à cela au fond, si l’on songe que la musique dodécaphonique se construit comme<br />

un système duel et répétitif, «␣ un ordre double 2 ␣ » combinant <strong>de</strong>s séries et reproduisant<br />

sciemment «␣ <strong>de</strong>s thèmes et <strong>de</strong>s cellules musicales nettement individualisés<br />

3 ␣ » : or le dualisme – <strong>de</strong>s points <strong>de</strong> vue, <strong>de</strong>s caractères, <strong>de</strong>s figures, <strong>de</strong>s<br />

topoï – n’est-il pas aussi une <strong>de</strong>s caractéristiques fondamentales <strong>de</strong> l’écriture <strong>de</strong> la<br />

<strong>nouvelle</strong> 4 ?<br />

Entendons-nous bien : il ne s’agit nullement ici <strong>de</strong> prétendre à l’homologie ou<br />

à l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux genres : certes ils donnent lieu tous les <strong>de</strong>ux à une forme<br />

relativement brève, certes ils ten<strong>de</strong>nt tous <strong>de</strong>ux à une sorte <strong>de</strong> dépouillement, <strong>de</strong><br />

resserrement minimal, à mettre à nu une structure dramatique matricielle, mais<br />

la comparaison s’arrête là et il convient mieux <strong>de</strong> parler d’analogies ; une <strong>nouvelle</strong>,<br />

quelle qu’elle soit, ne saurait être utilisée telle quelle à <strong>de</strong>s fins lyrico-musicales,<br />

<strong>de</strong> même un livret d’opéra ne saurait être lu comme une <strong>nouvelle</strong> – ce n’est<br />

pas un récit, à aucun moment ne s’établit avec le lecteur la relation <strong>de</strong> connivence<br />

étroite caractéristique <strong>de</strong> l’écriture narrative –, un livret d’opéra ne saurait<br />

non plus s’insérer harmonieusement au sein d’un recueil <strong>de</strong> <strong>nouvelle</strong>s ; Nerval<br />

s’y est employé avec Les filles du feu, quelque peu échevelées 5 , et c’est du plus<br />

curieux effet : l’on élu<strong>de</strong> généralement le petit texte dialogué intitulé «␣ Corilla␣ »<br />

et ce silence gêné correspond à l’embarras dans lequel le lecteur se trouve dès lors<br />

qu’il doit le faire figurer <strong>aux</strong> côtés <strong>de</strong> l’émouvante «␣ Sylvie␣ » ou <strong>de</strong> la romanesque<br />

«␣ Angélique␣ » : car l’histoire <strong>de</strong> cette prima donna napolitaine qui berne simultanément<br />

<strong>de</strong>ux <strong>de</strong> ses amants n’ébauche ni plus ni moins que le canevas d’un opérabouffe<br />

dans le plus pur style donizettien (voir L’élixir d’amour ou Don Pasquale par<br />

exemple).<br />

Nerval d’ailleurs – ouvrons une courte parenthèse – a eu l’occasion <strong>de</strong> signaler<br />

à maintes reprises, dans ses comptes rendus <strong>de</strong> spectacle pour Le constitutionnel,<br />

L’artiste, etc., la médiocrité jamais démentie <strong>de</strong> la plupart <strong>de</strong>s livrets et il semble<br />

qu’il tienne Scribe pour l’emblème triomphant <strong>de</strong> la stérilité bourgeoise <strong>de</strong> l’époque<br />

; voici ce qu’il écrit à son sujet 6 :

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