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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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558<br />

L’APOLOGUE<br />

n’est pas porteur <strong>de</strong> sens, et n’aurait aucun intérêt en lui-même sans la morale<br />

qu’on en tire, sans le discours qu’il pimente.<br />

Dans un premier temps, nous nous sommes contentés d’interroger les mythes<br />

originels <strong>de</strong> l’apologue. Nous y avons appris qu’il utilisait <strong>de</strong>s objets concrets <strong>de</strong><br />

la vie familière, et principalement <strong>de</strong>s anim<strong>aux</strong>, pour exprimer <strong>de</strong> façon détournée<br />

et cachée un enseignement moral. Dans un second temps, ce sont les mots<br />

que je voudrais interroger, ainsi que les définitions qu’en ont données les auteurs<br />

ou les théoriciens.<br />

Le mot ajpovlogoı désigne en grec un récit, une narration. Le mot est surtout<br />

utilisé dans une expression proverbiale, «␣ le récit à Alcinoos␣ », qui compte <strong>de</strong>ux<br />

chants dans l’Odyssée et est <strong>de</strong>venu l’exemple d’un récit long et verbeux 11. Ce<br />

n’est qu’en latin, et tardivement 12, que l’apologus désignera une fable. Pour l’Antiquité<br />

latine, l’apologue ne se distingue pas <strong>de</strong> la fable. «␣ Instar sunt fabularum␣ »,<br />

dit Martianus Capella. Lorsque Marcius Victorinus cherche un exemple d’apologue,<br />

il prend celui du lion et <strong>de</strong> la souris, que nous considérons aujourd’hui comme<br />

une fable.<br />

Dans la pratique, il semble simplement que la fable constitue un genre distinct,<br />

dans les recueils <strong>de</strong> Phèdre ou d’Ésope, tandis que l’apologue, comme l’anecdote,<br />

s’intègre à un récit. Ainsi Cicéron préconise-t-il l’utilisation <strong>de</strong> l’apologue,<br />

<strong>de</strong> l’anecdote, du jeu <strong>de</strong> mots, <strong>de</strong> la raillerie pour rompre la monotonie d’un<br />

discours ; il le joint ailleurs à la fable et à tout ce qui contient une plaisanterie 13.<br />

Même emploi chez Quintilien : «␣ On connaît d’ordinaire une égale faveur en racontant<br />

<strong>de</strong>s apologues, et parfois même <strong>de</strong>s anecdotes historiques 14␣ ».<br />

Avant le XIX e siècle, on ne se soucie pas <strong>de</strong> définir l’apologue par sa forme, mais<br />

par son contenu, et la distinction est difficile à faire entre la fable, l’apologue, le<br />

conte et le mythe. Les seules constantes dans les définitions sont le but moralisateur<br />

et le recours à <strong>de</strong>s réalités familières («␣ ex rebus humilibus␣ », dit Marcius<br />

Victorinus) pour évoquer les mœurs <strong>de</strong>s hommes.<br />

Les Grecs, ai-je dit, n’utilisaient pas dans ce sens le mot ajpovlogoı. Les fables<br />

d’Ésope étaient appelée mu~qoi, ce que les <strong>La</strong>tins rendront par fabulae (et plus rarement<br />

mythologi), et les traducteurs français par fables, plus rarement par apologues<br />

(Tardif, Guillaume Hau<strong>de</strong>nt). Aristote utilise le mot lovgoı, y compris pour les<br />

apologues d’Ésope 15. Un troisième terme en grec connaîtra un succès considérable<br />

: parabolhv, littéralement «␣ comparaison, récit allégorique␣ », tel qu’on le trouve<br />

chez Aristote (ibid.). Les Septante le choisirent pour traduire l’hébreu mâchâl, qui<br />

désigne <strong>de</strong>s énoncés obscurs, qu’il s’agisse <strong>de</strong>s poèmes <strong>de</strong> Balaam bénissant les<br />

hébreux dans les Nombres 16, <strong>de</strong>s proverbes, sentences 17, ou d’énigmes, <strong>de</strong> paraboles,<br />

comme celle <strong>de</strong> l’aigle emportant la pointe du cèdre du Liban pour symboliser<br />

le roi <strong>de</strong> Babylone faisant prisonnier les notables d’Israël. Le livre <strong>de</strong>s Proverbes<br />

est <strong>de</strong>stiné à donner à ses lecteurs l’intelligence <strong>de</strong>s «␣ paraboles <strong>de</strong>s sages␣ » (Pv<br />

I, 6). C’est ce sens que va utiliser le Nouveau Testament, qui rapporte les «␣ paraboles␣<br />

» <strong>de</strong> Jésus 18. C’est par référence à Isaïe que Jésus entend parler <strong>de</strong> façon

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