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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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JEAN-PAUL DUFIET 379<br />

L’espace, ou le lieu, détermine l’analogie <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong> avec la «␣ structure externe␣<br />

» du texte dramatique. Au théâtre le lieu est un compromis entre la «␣ rigoureuse<br />

unité et la vraisemblance rigoureuse 18 ␣ » ; il a donc plus une fonction<br />

dramaturgique qu’une valeur mimétique. Dans la <strong>nouvelle</strong> également le lieu est<br />

sans valeur mimétique. T.␣ Ozwald le définit principalement comme «␣ les composantes<br />

d’une structure psychique 19 ␣ ». Pour D.␣ Grojnovski l’espace répond <strong>aux</strong><br />

exigences du récit, ne contient que peu <strong>de</strong> valeur référentielle mais déploie <strong>de</strong>s<br />

significations 20 . Ainsi dans la <strong>nouvelle</strong> le décor se limite-t-il <strong>aux</strong> détails nécessaires<br />

pour faire comprendre l’histoire, tout comme un décor <strong>de</strong> théâtre.<br />

<strong>La</strong> réflexion théorique sur la <strong>nouvelle</strong> met donc en évi<strong>de</strong>nce que ce genre possè<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>s caractéristiques dramaturgiques, ou <strong>de</strong>s caractéristiques analogues à celle<br />

<strong>de</strong> la pièce classique. On pourrait en conséquence examiner chaque <strong>nouvelle</strong> en<br />

y relevant ce qui annonçait la pièce déjà écrite ou qui suggère la pièce encore à<br />

écrire. On déterminerait <strong>de</strong> cette manière une collection <strong>de</strong> traits pré-dramatiques<br />

<strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong>.<br />

Toutefois on ne peut se limiter à une telle démarche qui appelle <strong>de</strong>ux objections<br />

<strong>de</strong> fond. <strong>La</strong> première est que les critères précé<strong>de</strong>mment retenus renvoient<br />

tous à la dramaturgie classique <strong>française</strong>, élaborée entre la fin <strong>de</strong> la Renaissance<br />

et la fin du XVII e siècle, et analysée au cours <strong>de</strong>s siècles suivants. C’est un cadre<br />

théorique trop restreint pour parler du texte dramatique <strong>de</strong> manière générale. <strong>La</strong><br />

secon<strong>de</strong> objection, qui complète la première, tient à ce que la réflexion articulée<br />

sur la similitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s structures <strong>nouvelle</strong>-théâtre n’inclut pas la distinction fondatrice<br />

<strong>de</strong>s genres qui porte sur la différence entre l’énonciation du narrateur et<br />

l’énonciation <strong>de</strong>s personnages. Sans avoir la prétention ingénue <strong>de</strong> mettre en<br />

doute une telle distinction, il nous semble possible <strong>de</strong> la déplacer et <strong>de</strong> l’étudier à<br />

l’intérieur du texte narratif. Nous pouvons <strong>de</strong> cette manière prolonger le rapprochement<br />

entre la <strong>nouvelle</strong> et le texte dramatique à partir <strong>de</strong> ce qui fait l’essence<br />

<strong>de</strong> l’acte théâtral comme œuvre écrite. En effet le texte dramatique est une mise<br />

en texte <strong>de</strong> la parole, une représentation écrite <strong>de</strong> l’acte <strong>de</strong> parole <strong>de</strong>s personnages.<br />

C’est cette représentation <strong>de</strong> l’acte <strong>de</strong> parole que nous appellerons la théâtralité,<br />

commune au texte dramatique et à la <strong>nouvelle</strong>. <strong>La</strong> théâtralité <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong> est un<br />

théâtre non joué du texte narratif, donné à lire et à imaginer 21 . Avec une telle<br />

approche le personnage et le dialogue sont au centre <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong>. Ceci est<br />

d’autant plus pertinent pour notre problématique que le dialogue théâtral contemporain<br />

renonce souvent à sa spécificité dramaturgique traditionnelle – à savoir<br />

être une action – pour se recentrer lui aussi sur l’acte d’énonciation et la prise<br />

<strong>de</strong> parole <strong>de</strong>s personnages.<br />

Nous pouvons maintenant examiner la théâtralité <strong>de</strong> certains couples pièces<strong>nouvelle</strong>s,<br />

tout en préservant les premières indications du cadre dramaturgique<br />

classique vues au début <strong>de</strong> notre réflexion. Nous nous proposons <strong>de</strong> mettre en<br />

lumière trois formes différentes <strong>de</strong> cette théâtralité : chez Marguerite Duras avec<br />

«␣ Le square 22 ␣ » (<strong>nouvelle</strong> et pièce) et «␣ Des journées entières dans les arbres 23 ␣»

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