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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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ALAIN CULLIÈRE 67<br />

Tout à fait caractéristique <strong>de</strong> cette opération <strong>de</strong> calibrage est le traitement subi<br />

par les <strong>nouvelle</strong>s <strong>de</strong> Bonaventure Des Périers. <strong>La</strong> longueur toute relative <strong>de</strong> certaines<br />

d’entre elles tient au fait qu’elles contiennent <strong>de</strong>ux ou trois aventures juxtaposées<br />

ou emboîtées, le plus souvent parce qu’elles sont relatées ou vécues par le<br />

même personnage ; dans quelques cas, la juxtaposition <strong>de</strong> plusieurs récits dans<br />

une même <strong>nouvelle</strong> se justifie plus difficilement. Le compilateur anversois réagit<br />

presque toujours en scindant <strong>de</strong> tels textes. Par exemple, <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong> 27 <strong>de</strong> Des<br />

Périers, qui évoque dans un premier temps le comportement d’un âne ombrageux<br />

et dans un second temps la mésaventure survenue au propriétaire <strong>de</strong> cet âne<br />

à la suite d’une méprise, il a préféré en faire <strong>de</strong>ux qui se suivent, avec un effet<br />

d’annonce à la fin <strong>de</strong> la première 19 . Dans sa <strong>nouvelle</strong> 93, Des Périers parle d’un<br />

larron qui dérobe d’abord une vache dans une ville indéterminée, puis qui gagne<br />

Paris où il vole cette fois un âne ; le recueil <strong>de</strong> Tyron, quant à lui, comporte d’abord<br />

un récit, qui figure d’ailleurs chez Pauli, où l’on voit le larron voler une vache à<br />

Cologne, puis un second, quarante pages plus loin, où l’on retrouve le même<br />

larron qui vole l’âne à Paris 20 . Cette confrontation renseigne sur le traitement<br />

que le compilateur anversois a fait <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>ux sources, <strong>française</strong> et alleman<strong>de</strong>,<br />

mais prouve aussi que l’œuvre <strong>de</strong> Pauli a pu être un vivier pour Bonaventure Des<br />

Périers. On pourrait donner d’autres exemples qui montrent le sectionnement<br />

subi par les Nouvelles récréations et joyeux <strong>de</strong>vis. Des Périers rapporte dans sa <strong>nouvelle</strong><br />

98 trois facéties <strong>de</strong> Triboulet, alors que le recueil anversois se contente <strong>de</strong> la<br />

première, qui est aussi la plus grasse 21 ; si la <strong>nouvelle</strong> 2 <strong>de</strong> Des Périers présente à la<br />

suite trois mésaventures survenues à trois fous <strong>de</strong> cour, le recueil anversois les<br />

rapporte aussi toutes les trois, mais les attribue à un seul et même fou 22 . On comprend<br />

donc que l’agencement <strong>de</strong> notre recueil obéit le plus souvent à une règle<br />

d’économie, <strong>de</strong> simplicité <strong>de</strong> lecture. Chez <strong>de</strong>s auteurs <strong>de</strong> <strong>nouvelle</strong>s comme Pauli,<br />

la brièveté était un style, une forme d’écriture ; dans le recueil <strong>de</strong> Tyron, elle n’est<br />

qu’un choix <strong>de</strong> présentation. L’art <strong>de</strong> la plume fait place à la pratique <strong>de</strong>s cise<strong>aux</strong>.<br />

Ainsi assemblés et calibrés, nos «␣ plaisantes <strong>nouvelle</strong>s, apophtegmes et récréations<br />

diverses␣ » ont également été soumis, ici et là, à un recadrage léger ayant<br />

pour but <strong>de</strong> préserver le caractère cosmopolite <strong>de</strong> l’ensemble. Si l’association <strong>de</strong><br />

textes allemands, français et italiens pouvait flatter le lecteur européen, il n’en<br />

<strong>de</strong>meure pas moins que chaque auteur a volontiers donné à ses écrits une forte<br />

couleur locale. Il est évi<strong>de</strong>nt que le cadre <strong>de</strong>s récits <strong>de</strong> Pauli est fréquemment<br />

germanique. Les anecdotes rapportées par Bonaventure Des Périers sentent bien<br />

souvent le terroir. Il semble que le compilateur anversois ait cherché, par <strong>de</strong> discrètes<br />

corrections ou substitutions, à réduire bon nombre <strong>de</strong> données géographiques<br />

qui ne conditionnaient pas vraiment les péripéties, <strong>de</strong> façon à replacer les<br />

récits dans un espace libéré qu’un public plus vaste pourrait toujours fertiliser ou<br />

repeupler à sa convenance. Les références <strong>de</strong> lieux célèbres, correspondant bien à<br />

la sphère culturelle européenne, ont évi<strong>de</strong>mment été maintenues. Un docteur <strong>de</strong><br />

Paris, un bourgeois <strong>de</strong> Venise, un étudiant <strong>de</strong> Bologne, un marchand <strong>de</strong> Francfort

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