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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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CARMEN CAMERO PEREZ 399<br />

histoire : celle d’une sagesse que l’art, la musique ou la littérature ai<strong>de</strong>raient à<br />

trouver. Pour ce qui est du livre <strong>de</strong> Le Clézio, Printemps et autres saisons, paru chez<br />

Gallimard en 1989, l’analyse et l’interprétation textuelles révèlent l’existence <strong>de</strong><br />

l’architecture singulière d’un recueil où chaque <strong>nouvelle</strong> a sa place et son rôle<br />

déterminés. L’espace d’ouverture et <strong>de</strong> fermeture du livre est occupé par les <strong>de</strong>ux<br />

<strong>nouvelle</strong>s les plus chargées <strong>de</strong> signification : «␣ Printemps␣ » et «␣ <strong>La</strong> saison <strong>de</strong>s<br />

pluies␣ », les seules d’ailleurs qui portent <strong>de</strong>s titres temporels. Entre l’une et l’autre,<br />

s’insèrent trois textes courts, dont l’un à fonction émotive : «␣ Fascination␣ », un<br />

autre désignant la durée immobile : «␣ Le temps ne passe pas␣ » et un troisième,<br />

classique, centré sur le protagoniste : «␣ Zinna␣ ». Le long développement <strong>de</strong> l’amertume<br />

existentielle exposé dans «␣ Printemps␣ » sera corrigé dans la <strong>de</strong>uxième <strong>nouvelle</strong>,<br />

évocation d’un seul instant d’une vie : la rencontre du protagoniste avec la<br />

bohémienne <strong>de</strong> son enfance. Ce court texte annonce et initie le lecteur à la <strong>nouvelle</strong><br />

suivante, qui fera progresser la thématique et le sens du récit précé<strong>de</strong>nt. Si le<br />

personnage <strong>de</strong> «␣ Fascination␣ » retrouve un passé qu’il avait cru dépasser, le narrateur<br />

<strong>de</strong> «␣ Le temps ne passe pas␣ » montrera que le passé est toujours présent.<br />

Cette <strong>nouvelle</strong>, placée au milieu du recueil, prolonge ses reflets sur les autres<br />

textes pour nous faire voir qu’en effet tous ces immigrés <strong>de</strong> Le Clézio s’immobilisent<br />

dans une situation d’angoisse, d’amertume et <strong>de</strong> malheur que le passage du<br />

temps ne peut changer. De «␣ Printemps␣ » à «␣ <strong>La</strong> saison <strong>de</strong>s pluies␣ », <strong>de</strong>r nière <strong>nouvelle</strong><br />

du recueil, le temps passe, mais l’état <strong>de</strong>s personnages <strong>de</strong>meure. Variantes<br />

d’un même type d’individu, les êtres <strong>de</strong> Le Clézio, isolés et exilés, seront condamnés<br />

à errer toute leur vie à la recherche d’une saison à jamais perdue.<br />

Si dans les livres en mosaïque l’unité est assurée par le traitement d’un même<br />

sujet central, le recueil enfilé, <strong>de</strong>uxième procédé employé par les nouvellistes,<br />

trouve dans le personnage commun l’élément qui confère à l’œuvre son unité<br />

organique. Procédé moins usité que le précé<strong>de</strong>nt, mais dont on trouve <strong>de</strong>s illustrations<br />

dans l’œuvre d’écrivains tels que Thomas Raucat, Clau<strong>de</strong> Aveline ou Franz<br />

Hellens.<br />

Loin <strong>de</strong>s blon<strong>de</strong>s <strong>de</strong> Raucat 13 se construit autour <strong>de</strong> la figure d’un narrateur<br />

homodiégétique, voyageur infatigable qui parcourt l’Orient à la recherche d’aventures<br />

singulières. L’enfilage <strong>de</strong>s huit <strong>nouvelle</strong>s qui composent le recueil trouve sa<br />

justification dans l’énorme curiosité <strong>de</strong> ce personnage, qui passe son temps à se<br />

déplacer d’une ville à la suivante, s’intéressant à tout ce qui frappe sa curiosité<br />

d’Européen. S’éloignant <strong>de</strong>s blon<strong>de</strong>s, Raucat part à la recherche <strong>de</strong> la brune japonaise,<br />

la mythique geisha, image <strong>de</strong> la can<strong>de</strong>ur, <strong>de</strong> la patience et <strong>de</strong> l’obéissance.<br />

Le thème du voyage permet donc l’enfilage <strong>de</strong>s <strong>nouvelle</strong>s <strong>de</strong> Raucat, tandis<br />

que chez Aveline ce sont les souvenirs d’enfance du je racontant, qui lient les<br />

trois <strong>nouvelle</strong>s <strong>de</strong> son recueil Le point du jour. <strong>La</strong> fonction généralisante qui domine<br />

le discours narratorial manifeste l’intention <strong>de</strong> l’auteur <strong>de</strong> souligner les<br />

différences qui séparent le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’enfant et celui <strong>de</strong>s adultes, à travers l’évocation<br />

<strong>de</strong> trois événements qui viennent symboliser les trois étapes d’une évolu-

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