La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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NOUVELLE DONNE : TENTATIVE DE DÉFINITION D’UN TERRITOIRE
NOUVELLE DONNE : TENTATIVE
DE DÉFINITION D’UN TERRITOIRE
S’il est vrai que tout franchissement de frontière entraîne dans une contrée
nouvelle, à coup sûr, la revue Nouvelle Donne que je représente aujourd’hui fait
son entrée en pays neuf. Or la thématique proposée cette année, et qui tourne
autour de la limite, me semble particulièrement se prêter à une telle venue.
Ma réflexion souhaite en effet s’inscrire non dans le contenu ou la forme de la
nouvelle, mais concerne un de ses supports, la revue, perçu lui-même comme
frontière entre différents univers. D’une façon générale, la revue, quel que soit
son domaine, est une publication périodique, le plus souvent spécialisée, comportant
des essais, des comptes rendus ou des articles. Elle permet, au sens premier,
de faire l’inventaire des connaissances ou des points de vue dans un domaine
de relative actualité.
La question n’est pas de savoir si une revue de nouvelles répond à cette définition,
mais si elle n’a pas, en plus, des critères spécifiques qui, d’une certaine façon,
l’entraînent vers d’autres genres de publication. Dans quel intervalle vient
s’inscrire la revue de nouvelles ? Voilà ce qui constituera une première piste que
nous tenterons de délimiter pour mieux comprendre ensuite quel territoire inédit
elle peut ouvrir à son lectorat. Nous pourrons alors définir une de ses autres
fonctions essentielles : offrir à des auteurs encore inconnus un lieu de passage
entre le non-publié et l’édité ; c’est ce qui conditionne, enfin à nos yeux, l’existence
même d’une réelle vie littéraire dans un pays.
Retrouvons donc dans Nouvelle Donne ce qui l’assimile à une revue courante :
actualité littéraire, guide des autres revues font bien partie de nos rubriques habituelles.
Mais son corps même n’est pas là, ce qui en fait la chair essentielle : il est
dans les textes mêmes que le comité de lecture choisit de faire publier, dans les
nouvelles proprement dites. De ce fait, la revue se présente donc à une frontière
historique où elle constitue une transition. Elle se situe en effet entre la publication
des feuilletons dans les quotidiens et le recueil proprement dit, c’est-à-dire
dans un lieu intermédiaire entre le journal et le livre.
Sans doute était-ce un pensum pour bien des auteurs de noircir leur page quotidienne
pour maintenir en haleine les lecteurs assidus, mais la procession des
fidèles attendant la parution dans les kiosques, comme en attestent maintes gravures
du XIX e et du début du siècle, en est aussi la récompense. Existe-t-il réellement
un relais littéraire à ce point dynamique aujourd’hui ? rien n’est moins sûr.
D’une certaine façon, on pourrait rétorquer que le feuilleton est un contre-exemple
puisqu’il attend une suite par définition. Mais à y regarder de plus près, on se
rend compte que des mécanismes semblables sont déclenchés chez les lecteurs de