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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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GUY OSSITO MIDIOHOUAN 465<br />

Fatim d’Abdoulaye Sadji (1960), même si cette <strong>de</strong>rnière nous est donnée, malgré<br />

ses 54 pages, comme un «␣ roman␣ ». À partir <strong>de</strong>s années 60, le niveau littéraire<br />

moyen <strong>de</strong> l’écrivain africain s’est sensiblement élevé. Les écrivains sont mieux<br />

informés sur la <strong>nouvelle</strong>. Les nouvellistes sont <strong>de</strong> plus en plus nombreux à créer<br />

à partir d’une connaissance réelle du genre tel qu’il est pratiqué par ses maîtres<br />

étrangers. On assiste donc à une évolution vers moins <strong>de</strong> confusion.<br />

Toutefois, par rapport à la <strong>nouvelle</strong> telle qu’elle est définie par les théoriciens<br />

occi<strong>de</strong>nt<strong>aux</strong>, les textes africains révèlent souvent une particularité : loin <strong>de</strong> renoncer<br />

au surnaturel et au merveilleux censés être du domaine du conte, la plupart<br />

laissent une place importante à ces éléments qui côtoient voire pénètrent la<br />

réalité <strong>de</strong>s faits rapportés. Pour le critique qui se penche sur la <strong>nouvelle</strong> en Afrique,<br />

la question suivante <strong>de</strong>vient alors inévitable : dans un mon<strong>de</strong> où le surnaturel,<br />

le merveilleux, le mystérieux font partie du quotidien, comment peut-on<br />

exiger <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong> <strong>de</strong> tourner le dos à cette réalité sous prétexte <strong>de</strong> respecter<br />

<strong>de</strong>s règles valables ailleurs ?<br />

Les histoires qu’on peut croire, écrit Jacques Mariel Nzouankeu, ne se présentent pas<br />

<strong>de</strong> la même façon pour toutes les couches <strong>de</strong> la société. Telle société superstitieuse<br />

croira facilement à une histoire d’apparence fantastique dans laquelle les événements<br />

semblent être subordonnés <strong>aux</strong> forces mystiques. Telle autre société matérialiste<br />

sera plus exigeante et ne croira qu’<strong>aux</strong> récits naturalistes, <strong>aux</strong> récits dans lesquels<br />

l’expression du réel est portée <strong>aux</strong> maximums. Du récit teinté <strong>de</strong> mysticisme au<br />

récit naturaliste, il y a une gamme <strong>de</strong> récits réalistes, vraisemblables, qu’on peut<br />

croire, d’où la relativité du réalisme comme caractère <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong> 10 .<br />

On note, en tout cas, que, en Afrique, la <strong>nouvelle</strong> ne se dégage pas tout à fait<br />

du conte, et cette situation traduit l’adaptation du genre à l’univers culturel africain,<br />

son enracinement – apparemment relativement plus précoce et plus facile<br />

(que pour d’autres genres, comme le roman par exemple) – dans la culture africaine.<br />

Le sol – pourrait-on ajouter pour filer un peu plus la métaphore – semble<br />

plus naturellement pré-disposé à la transplantation.<br />

ENRACINEMENT DANS LA CULTURE AFRICAINE ET ORIGINALITÉ DES FORMES<br />

Quelles que soient la force et l’objectivité <strong>de</strong> son réalisme, le nouvelliste africain<br />

ne peut faire abstraction <strong>de</strong> sa personnalité marquée par la dualité culturelle.<br />

Bien au contraire, il apparaît que cette dualité culturelle prési<strong>de</strong> à ce qu’il<br />

faut bien appeler un déterminisme <strong>de</strong>s formes et du style.<br />

En assimilant l’esthétique et les techniques occi<strong>de</strong>ntales, le nouvelliste greffe<br />

l’apport étranger sur le substrat originel qu’est la littérature orale «␣ traditionnelle␣ »<br />

africaine 11 . De là provient l’ambiguïté sinon l’ambivalence générique <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong><br />

africaine, observée dès sa genèse, et qui, en perdurant, semble <strong>de</strong>voir être<br />

retenue comme son originalité. Bien que cette ambiguïté ou cette ambivalence

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