La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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NOUVELLE, BIOGRAPHIE : TAMQUAM TABULAM NAUFRAGII
la dernière de biographies brèves («␣ Le cabinet des lettrés␣ » aux éditions Le promeneur
32 ). De nombreuses entreprises de théorisation, de mise en scène ou en
abyme 33 de l’entreprise biographique viennent accompagner cette production,
sous les auspices d’un M.␣ Foucault méditant sur les vies des «␣ Hommes infâmes␣ »
et d’un R.␣ Barthes sur les formes «␣ mobiles et dispersées␣ » du biographique 34 .
P.␣ Mauriès, D.␣ Oster 35 , J.-C.␣ Bailly 36 se sont très récemment intéressés aux renouvellements
des formes de la vie et à leurs significations pour attirer notre attention
sur le lien existant entre les avatars du statut du sujet dans la modernité et la
post-modernité et les renouvellements littéraires contemporains des formes du
biographique, comme si les vies plurielles et en miettes («␣ toute vie est une épaisseur
et une transparence, un trou, une enjambée, l’essai d’une touche en un point
ou en un coin du monde 37 ␣ ») étaient mieux à même de décrire nos ipséités inquiètes
et comme si les écrivains se devaient désormais de «␣ se loger dans le corps
d’un autre, et [de] vivre en parasites dans l’un des trous creusés par la mémoire␣ »,
selon le conseil de G.␣ Macé 38 .
Il n’est ainsi point besoin d’invoquer les exemples des recueils bien connus de
Borgès (Histoire universelle de l’infamie, hommage à M.␣ Schwob) ou de Savinio
(Hommes, racontez-vous, sous l’influence d’Apollinaire), pour conclure à un «␣ retour
du biographique 39 ␣ », ou plutôt, à l’instar de P.␣ Michon, à sa permanence :
Ce très vieux genre [la vie] a secrètement survécu à sa laïcisation en roman, récit ou
nouvelle. Car les modernes aussi ont écrit des vies, en annonçant clairement cette
intention dans leur titre, de façon parfois traditionnelle (la Vie de Rancé), mais le plus
souvent nostalgique ou parodique, en tout cas, référée : les Vies imaginaires de Schwob,
la Vie de Samuel Belet de Ramuz, les Trois vies de G.␣ Stein, ou même Une vie 40 .
RÈGLES
D.␣ Madelénat s’étant déjà chargé de dresser une «␣ législation␣ » à caractère général
des formes brèves du biographique 41 , nous nous efforcerons de donner quelques
pistes d’orientation relatives au statut énonciatif et générique, aux formes
narratives et aux choix thématiques des nouvelles dont nous venons de retracer
la généalogie.
On l’a senti sans nul doute : c’est couramment à la lisière des formes
historiographiques traditionnelles que se découvrent les nouvelles biographiques,
c’est souvent dans cette intertextualité générique qu’elles se comprennent. Raconter
un curriculum vitae appelle, au moins pour le lecteur moderne, un horizon
de lecture journalistique, historique ou sociologique extra-littéraire. Qu’il existe
une propension bien compréhensible de tout récit à adopter la linéarité naissance-mort,
comme l’affirme Bakhtine, ou qu’une telle platitude narrative soit
tout sauf naturelle à la genèse du récit, comme la narratologie contemporaine le
proclame, n’entre pas en jeu : toute biographie, fantaisie à la Cendrars 42 comprise,
acquiert de facto des résonances sérieuses, tout parti pris biographique vaut