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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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NOUVELLE, BIOGRAPHIE : TAMQUAM TABULAM NAUFRAGII<br />

Ce discours <strong>de</strong>s entrailles ou <strong>de</strong>s marges peut emprunter les voies <strong>de</strong> l’hyperréalisme<br />

(Les morts illustres <strong>de</strong> Y. Gaillard) comme celles <strong>de</strong> la déréalisation poétique<br />

(le travail <strong>de</strong> G.␣ Macé). En second lieu, la biographie littéraire peut tendre à<br />

une fonction mémorielle, la <strong>nouvelle</strong> se faisant cénotaphe, reconduisant la biographie<br />

à ses sources : son office <strong>de</strong> mémoire, son aptitu<strong>de</strong> à perpétuer le visage<br />

<strong>de</strong>s disparus 48 . Ainsi P.␣ Michon dans ses Vies minuscules, tombe<strong>aux</strong> <strong>de</strong> proches<br />

que l’auteur rédime du néant <strong>de</strong> l’anonymat. On nous parle alors <strong>de</strong> vies <strong>de</strong> gueux<br />

ou <strong>de</strong> misérables avec une écriture marquée par la compassion, ou, à l’inverse, un<br />

détachement feint dégageant <strong>de</strong>s silhouettes épurées. Enfin, la fonction ludique,<br />

plus aisée à appréhen<strong>de</strong>r peut-être, intervient couramment, souvent au service<br />

d’une farouche défense du vivant contre son figement par la science historique,<br />

pour offrir à la biographie son pendant comique. S’y déploient l’immense répertoire<br />

<strong>de</strong> la parodie, comme ses ambiguïtés : s’y révèle qu’un texte littéraire peut<br />

être simultanément informatif et parodique, <strong>nouvelle</strong> et récit historique.<br />

Génériquement allusive 49 , héritière d’une double et lour<strong>de</strong> tradition, la <strong>nouvelle</strong><br />

biographique engendre néanmoins <strong>de</strong>s formes narratives originales pour<br />

parvenir à con<strong>de</strong>nser dans l’espace bref qui lui échoit la durée biographique,<br />

comme pour réussir à l’insérer dans le cycle ou le recueil qui l’encadre.<br />

<strong>La</strong> variété <strong>de</strong>s formes externes <strong>de</strong>s <strong>nouvelle</strong>s, <strong>de</strong> leur insertion éventuelle dans<br />

un ensemble – parutions séparées (P. Mauriès, Yourcenar), isolement expérimental<br />

dans un recueil (Maupassant), regroupement en séries paradigmatiques (Apollinaire)<br />

ou constitution d’un cycle (M. Schwob) – ressortit plus ou moins directement<br />

<strong>de</strong> la problématique générale <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong>, <strong>de</strong> sorte que le problème <strong>de</strong>s<br />

formes internes, <strong>de</strong> l’insertion du temps dans le récit, peut sembler plus digne<br />

d’attention. À une extrémité du spectre <strong>de</strong>s solutions envisageables, se trouve en<br />

premier lieu l’emploi <strong>de</strong> la biographie du personnage comme un cadre flou et<br />

contingent, circonstances propices, explications secondaires <strong>de</strong> la conversion d’une<br />

vie en <strong>de</strong>stin à la faveur d’un événement qui fera souvent le titre <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong>.<br />

Cet usage, fréquent, du biographique comme contexte, cet emploi <strong>de</strong> l’étoffe du<br />

vivant comme trompe-l’œil, n’est guère qu’un avatar rhétorique parmi d’autres<br />

du développement ou <strong>de</strong> la digression et ne vient se détacher que s’il est pratiqué<br />

avec insistance par l’auteur, si l’événement vient participer à un ensemble et non<br />

un ensemble à un événement. Si l’on y fait bien attention, il n’est pas si commun<br />

qu’une <strong>nouvelle</strong> se donne la peine <strong>de</strong> préciser et la naissance et la mort <strong>de</strong> son<br />

personnage, sans l’abandonner au détour d’une page : il n’y a rien <strong>de</strong> comparable<br />

entre un récit que l’on pourrait qualifier <strong>de</strong> rayonnant, dont le système <strong>de</strong>s temps<br />

est constitué du passé et du futur d’un noyau anecdotique (éventuellement placé<br />

en frontispice <strong>de</strong> la narration), et un récit au présent, ou à un temps homogène<br />

du passé, qui suit le cours d’une vie en imposant une relative proportionnalité<br />

temps diégétique/temps biologique et dont la platitu<strong>de</strong> est d’autant plus marquée<br />

qu’elle entre en tension avec l’horizon d’attente <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong>, prescripteur<br />

<strong>de</strong> surprises et <strong>de</strong> variations rythmiques.

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