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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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LES PIÈCES LIMINAIRES DES RECUEILS DU XVI e␣ SIÈCLE<br />

le sens 55 . Les «␣ bons disciples␣ » <strong>de</strong> Gargantua, les «␣ très illustres et très chevaleureux<br />

champions␣ » <strong>de</strong> Pantagruel et autres «␣ lecteurs benevoles␣ » sont invités à partager<br />

le vin refusé <strong>aux</strong> «␣ caphards␣ » et «␣ cagotz␣ » 56 . <strong>La</strong> double <strong>de</strong>stination <strong>de</strong> l’œuvre,<br />

manifeste dans l’évolution <strong>de</strong>s prologues rabelaisiens prétendant s’adresser d’abord<br />

à un public populaire, puis plus nettement à un public humaniste, est formalisée<br />

dès le début <strong>de</strong>s recueils narratifs 57 . Ce qu’indique le double cercle instauré par<br />

l’histoire-cadre ou le topos <strong>de</strong> la dédicace <strong>aux</strong> dames, c’est l’inscription, dans le<br />

texte même, <strong>de</strong> nive<strong>aux</strong> <strong>de</strong> réception différents 58 . On joue en fait sur trois nive<strong>aux</strong><br />

<strong>de</strong> réception. Le premier cercle est celui <strong>de</strong> l’audience fictive inscrite dans<br />

le texte, qu’il s’agisse du cercle <strong>de</strong>s conteurs ou <strong>de</strong>s dames <strong>aux</strong>quelles s’adresse la<br />

dédicace. Le second est le lecteur idéal, cet ami, ce collègue poète, avec qui le<br />

narrateur dialogue par poèmes liminaires interposés. Le troisième s’étend bien<br />

sûr au public <strong>de</strong>s lecteurs réels qui figure dans l’avertissement <strong>aux</strong> «␣ liseurs␣ » comme<br />

le dit Cholières.<br />

À la superposition d’initialités qui matérialise, à l’entrée du recueil, cette i<strong>de</strong>ntification<br />

<strong>de</strong> catégories distinctes <strong>de</strong> narrataires, correspond à son issue, la pratique<br />

<strong>de</strong> la double clôture. Le principe en est <strong>de</strong> superposer à la conclusion <strong>de</strong>s<br />

récits, celle du narrateur. Celle-ci peut prendre la forme d’un poème <strong>de</strong> congé<br />

adressé au lecteur, comme dans les Nouvelles récréations et joyeux <strong>de</strong>vis, ou à son<br />

livre, comme dans Le printemps 59 . Or, <strong>de</strong> même qu’une succession <strong>de</strong> débuts en<br />

avant-texte a pour effet, tout en matérialisant le débrayage narratif, <strong>de</strong> retar<strong>de</strong>r<br />

l’avènement <strong>de</strong>s récits, et d’installer la confusion quant à l’origine du texte, la<br />

double clôture, loin <strong>de</strong> verrouiller le texte, marque son inachèvement 60 . Un exemple<br />

frappant <strong>de</strong> cela, à cause <strong>de</strong> son caractère paradoxal, est celui <strong>de</strong>s Discours <strong>de</strong>s<br />

champs faëz dont on a vu la composition rigoureuse et équilibrée et dont l’auteur,<br />

après la mention «␣ fin du second discours␣ », termine par une épître <strong>aux</strong> lecteurs<br />

s’excusant d’interrompre son œuvre pour cause <strong>de</strong> procès 61 . Cette thématique<br />

correspond à celle que l’on trouve en ouverture, <strong>de</strong> l’auteur-secrétaire <strong>de</strong> récits<br />

qu’il prétend avoir entendus et qu’il veut mettre par écrit pour que la mémoire<br />

en soit conservée. Le trésor <strong>de</strong>s histoires étant infini, le texte donné à lire ne peut<br />

constituer qu’un fragment. D’où <strong>de</strong>s invitations finales à prolonger le plaisir <strong>de</strong>s<br />

récits ailleurs, plus tard, comme dans les Facétieuses journées <strong>de</strong> Chappuys ou les<br />

Matinées <strong>de</strong> Cholières qui renvoient à «␣ plusieurs causes qui seront quelque jour<br />

publiées␣ », cette suite, les Après disnées, invitant elle-même les lecteurs à faire leur<br />

propre collection 62 .<br />

Dès le début <strong>de</strong> l’époque <strong>de</strong>s recueils <strong>de</strong> <strong>nouvelle</strong>s, le témoignage <strong>de</strong>s Cent<br />

<strong>nouvelle</strong>s <strong>nouvelle</strong>s <strong>de</strong> Philippe <strong>de</strong> Vigneulles montre le paradoxe inhérent à cette<br />

structure à la fois strictement encadrée et ouverte. Comme le titre et le double<br />

exemple <strong>de</strong> Boccace et du recueil bourguignon l’imposent, l’intention est <strong>de</strong> clore<br />

la collection sur la centième «␣ et <strong>de</strong>rniere <strong>nouvelle</strong>␣ » comme le précise la rubrique<br />

qui l’introduit. Vigneulles y multiplie les manifestations <strong>de</strong> clôture. Il s’y i<strong>de</strong>ntifie<br />

«␣ comme marchant, acteur et composeur <strong>de</strong> ses presentes <strong>nouvelle</strong>s␣ », il en

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