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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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RÉGIS DUQUÉ 375<br />

Ne retrouve-t-on pas là, sous une autre forme, les motivations <strong>de</strong> la parole<br />

rencontrées dans Les mille et une nuits et dans Le <strong>de</strong>cameron <strong>de</strong> Boccace, où chaque<br />

<strong>nouvelle</strong> est une prise <strong>de</strong> parole, récit enchâssé dans un récit global ? Qu’elle<br />

repousse au len<strong>de</strong>main la condamnation <strong>de</strong> Chahraza<strong>de</strong> ou qu’elle éloigne la<br />

menace <strong>de</strong> la peste toute proche, à chaque fois la parole est déclenchée par la<br />

présence <strong>de</strong> la mort. Mieux, pour Tzvetan Todorov, dans Les mille et une nuits,<br />

raconter égale vivre, et l’absence <strong>de</strong> récit équivaut à la mort.<br />

Si tous les personnages ne cessent pas <strong>de</strong> raconter <strong>de</strong>s histoires, c’est que cet acte a<br />

reçu une consécration suprême : raconter égale vivre. L’exemple le plus évi<strong>de</strong>nt est<br />

celui <strong>de</strong> Chahraza<strong>de</strong> elle-même qui vit uniquement dans la mesure où elle peut<br />

continuer à raconter ; mais cette situation est répétée sans cesse à l’intérieur du<br />

conte 10 .<br />

<strong>La</strong> <strong>nouvelle</strong> contemporaine gar<strong>de</strong> peut-être une trace <strong>de</strong> cette motivation quasi<br />

existentielle <strong>de</strong> la parole, fon<strong>de</strong>ment d’une partie du théâtre contemporain où la<br />

causerie et le pur langage ont souvent tendance à se substituer à la fable, au récit<br />

proprement dit.<br />

*<br />

Il ne faudrait donc pas trop vite conclure à une i<strong>de</strong>ntité parfaite entre un monologue<br />

théâtral et une <strong>nouvelle</strong>. Il y a même, au-<strong>de</strong>là du côté « <strong>nouvelle</strong> » que<br />

développent certains monologues d’une part et <strong>de</strong> la théâtralité <strong>de</strong> certaines <strong>nouvelle</strong>s<br />

d’autre part, <strong>de</strong>s différences fondamentales. Christian Renault, <strong>de</strong> la compagnie<br />

Clin d’œil, raconte à juste titre comment certains auteurs, écrivant <strong>de</strong>s<br />

<strong>nouvelle</strong>s en espérant les voir porter à la scène, n’écrivent plus une <strong>nouvelle</strong> mais<br />

un véritable texte dramatique.<br />

Nous espérons cependant avoir mis ici en lumière ce terrain d’entente, cette<br />

zone commune où <strong>nouvelle</strong> et théâtre se rencontrent et où l’un peut nous ai<strong>de</strong>r<br />

à comprendre l’autre.<br />

Régis DUQUÉ<br />

Université catholique <strong>de</strong> Louvain (Louvain-la-Neuve)

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