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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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L’ADAPTATION DES NOUVELLES DE TCHÉKOV POUR LA SCÈNE FRANÇAISE<br />

et représentée par l’opéra <strong>de</strong> Monte-Carlo. Seul le texte fut publié, je n’ai pas<br />

retrouvé <strong>de</strong> partition 2 . L’argument est effectivement bouffon : en l’absence du<br />

<strong>de</strong>ntiste, l’infirmier du village extrait, non sans peine, la <strong>de</strong>nt mala<strong>de</strong> du sacristain.<br />

<strong>La</strong> technique <strong>de</strong> l’adaptation est rudimentaire : le texte original était constitué<br />

essentiellement <strong>de</strong> dialogues, qui furent pratiquement récupérés tels quels ;<br />

les passages non dialogiques <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong> trouvèrent place dans les didascalies.<br />

Ceci pose quelques problèmes pour la représentation. <strong>La</strong> <strong>nouvelle</strong> expliquait par<br />

exemple : «␣ Le sacristain reprend ses esprits, se fourre les doigts dans la bouche et,<br />

à la place <strong>de</strong> la <strong>de</strong>nt gâtée, trouve <strong>de</strong>ux chicots saillants.␣ » Dans l’adaptation, la<br />

didascalie indique seule que la <strong>de</strong>nt n’a pas été complètement arrachée. <strong>La</strong> suite<br />

<strong>de</strong> l’échange verbal est difficilement compréhensible pour celui qui n’aurait pas<br />

compris ce détail, mais le dialogue <strong>de</strong> l’adaptation ne fut pas augmenté pour<br />

ai<strong>de</strong>r la compréhension du spectateur. D’autre part, les didascalies proposent <strong>de</strong>s<br />

jeux <strong>de</strong> scène qui ne proviennent pas <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong> originale (par exemple le<br />

sacristain fait le tour <strong>de</strong> la pièce en remorquant l’infirmier qui tire toujours sur la<br />

<strong>de</strong>nt). <strong>La</strong> <strong>nouvelle</strong> était certes comique et elle ridiculisait ses personnages, mais<br />

cette adaptation pousse le grotesque à l’extrême, ce que Tchékhov faisait rarement<br />

— et <strong>de</strong> moins en moins au fil <strong>de</strong>s ans.<br />

Retenons principalement <strong>de</strong> cet opéra bouffe que la <strong>nouvelle</strong> qu’il prenait pour<br />

thème était burlesque. Les <strong>nouvelle</strong>s drôles constituent en effet une bonne part<br />

<strong>de</strong> l’œuvre tchékhovienne et leur construction se prête aisément à une adaptation<br />

scénique. Ce sont probablement les petits vau<strong>de</strong>villes comiques <strong>de</strong> Tchékhov,<br />

tels que L’ours ou <strong>La</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> en mariage, qui ont servi <strong>de</strong> modèles pour adapter<br />

Chirurgie. Au cours <strong>de</strong>s années vingt et trente, ils étaient d’ailleurs beaucoup plus<br />

souvent joués en France que ses pièces sérieuses.<br />

Dans la même veine, en 1931, les metteurs en scène russes Nikita Balieff et<br />

Fiodor Kommissarjevski montèrent, avec <strong>de</strong>s acteurs français, un opéra bouffe<br />

tiré <strong>de</strong> <strong>La</strong> contrebasse.<br />

<strong>La</strong> première <strong>de</strong> <strong>La</strong> cerisaie n’eut lieu qu’en 1954. C’est dire si, dans les années<br />

cinquante, ce qu’on appelle les «␣ gran<strong>de</strong>s pièces␣ » <strong>de</strong> Tchékhov étaient encore<br />

mal connues. En revanche, comme on fêtait un peu partout le cinquantième<br />

anniversaire <strong>de</strong> sa mort, plusieurs spectacles tirés <strong>de</strong> ses <strong>nouvelle</strong>s virent le jour. À<br />

nouveau, il s’agissait d’œuvres essentiellement drôles. Les adaptateurs, pour la<br />

plupart d’origine russe, compilèrent généralement plusieurs <strong>nouvelle</strong>s afin d’obtenir<br />

un spectacle d’une longueur acceptable.<br />

Prenons <strong>La</strong> matinée d’un homme <strong>de</strong> lettres <strong>de</strong> l’actrice Tania Balachova, en 1954 3 .<br />

Elle est tirée <strong>de</strong> trois récits qui ont pour point commun une visite importune à un<br />

personnage éminent, <strong>de</strong>ux écrivains et un banquier. Sous un titre composé pour<br />

l’occasion, les trois aventures surviennent ici à un unique personnage. Cette fusion<br />

paraît artificielle car les <strong>nouvelle</strong>s originales décrivaient trois tempéraments<br />

bien différents. Les anecdotes sont juxtaposées sans grand effort <strong>de</strong> réécriture, les

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