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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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FLORENCE BOUCHET 7<br />

LA NOUVELLE À L’ÉPREUVE<br />

DU ROMAN MÉDIÉVAL :<br />

LE LIVRE DU CHEVALIER ERRANT<br />

DE THOMAS DE SALUCES<br />

Lorsque, à la fin du XIV e siècle, Thomas <strong>de</strong> Saluces écrit son <strong>Livre</strong> du Chevalier<br />

errant, il procè<strong>de</strong> en conformité avec les gran<strong>de</strong>s tendances littéraires <strong>de</strong> son temps.<br />

Le Moyen Âge tardif est une époque réflexive en ce qu’il réutilise les œuvres et<br />

thèmes du Moyen Âge central tout en réfléchissant à <strong>de</strong> <strong>nouvelle</strong>s techniques<br />

d’écriture ; héritier <strong>de</strong>s sommes encyclopédiques du XIII e siècle, il donne à la création<br />

littéraire un tour syncrétique qui transcen<strong>de</strong> les <strong>frontières</strong> génériques – pour<br />

autant qu’on ait eu conscience <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rnières au Moyen Âge. Aussi le <strong>Livre</strong> du<br />

Chevalier errant se présente-t-il comme une véritable compilation encyclopédique<br />

et romanesque, mêlant <strong>aux</strong> images allégoriques les influences <strong>de</strong> la chanson<br />

<strong>de</strong> geste, <strong>de</strong> la poésie lyrique, <strong>de</strong>s romans arthuriens, <strong>de</strong> la chronique, <strong>de</strong> la littérature<br />

didactique… sans oublier la place d’un certain nombre <strong>de</strong> récits brefs. En<br />

outre, le XIV e siècle voit s’affirmer, dans l’écriture même <strong>de</strong>s œuvres, la subjectivité<br />

<strong>de</strong> l’écrivain en tant que créateur 1 . C’est pourquoi le héros du roman <strong>de</strong><br />

Thomas <strong>de</strong> Saluces, le Chevalier errant précisément, n’est autre qu’un double<br />

allégorique <strong>de</strong> l’auteur 2 . À travers les pérégrinations du Chevalier, qui découvre<br />

les charmes <strong>de</strong> la cour d’Amour puis affronte les duretés <strong>de</strong> l’hôtel <strong>de</strong> Fortune<br />

avant <strong>de</strong> recevoir l’enseignement <strong>de</strong> dame Connaissance, Thomas <strong>de</strong> Saluces retrace<br />

un itinéraire initiatique résumant et moralisant – au sens médiéval du terme<br />

– son existence.<br />

Le <strong>Livre</strong> du Chevalier errant résulte aussi <strong>de</strong> circonstances particulières, liées à la<br />

situation <strong>de</strong> Thomas <strong>de</strong> Saluces. Précisons en effet que Thomas III, marquis <strong>de</strong><br />

Saluces, en conflit avec le comte <strong>de</strong> Savoie Amédée VIII, se trouve prisonnier à<br />

Turin d’un allié <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier lorsqu’il compose son ouvrage (ou au moins sa<br />

première version), entre␣ 1394 et␣ 1396. On verra que <strong>de</strong>s préoccupations politiques<br />

viennent ainsi se mêler à l’activité poétique. Même si une captivité relativement<br />

clémente lui autorisa vraisemblablement l’accès <strong>de</strong> la bibliothèque du château<br />

<strong>de</strong> Turin, on conçoit bien que la rédaction d’une œuvre aussi ambitieuse que<br />

le <strong>Livre</strong> du Chevalier errant ait aussi été un exercice <strong>de</strong> mémoire, notre écrivain<br />

amateur s’inspirant <strong>de</strong> ses souvenirs <strong>de</strong> lecture favoris pour nourrir son récit.<br />

Enfin, difficulté supplémentaire mais atout pour notre sujet, notre prince piémontais<br />

rédige son œuvre en français 3 , ce qui le place à un carrefour d’influences<br />

décisif quant à la genèse du genre <strong>de</strong> la <strong>nouvelle</strong>.<br />

On peut en effet rappeler que le terme <strong>de</strong> <strong>nouvelle</strong>, dans son acception littéraire,<br />

n’apparaît en français qu’au début du XV e siècle, tandis que l’italien novella

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