La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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L’ÉCRITURE DES NOUVELLES RADIOPHONIQUES
interventions radiophoniques parlées, bien que répondant à une série de règles,
relèvent de l’animation et donc de l’improvisation. Nous tenterons enfin d’aborder
l’influence de cette écriture radiophonique, journalistique donc, sur l’écriture
de la fiction radiodiffusée, sur l’écriture de la nouvelle radiophonique en
l’occurrence.
On peut évidemment s’interroger sur la pertinence de pareille comparaison,
voire de pareil glissement, entre le journalistique et le fictionnel. Il serait simple,
ou simpliste, de rappeler d’une part la polysémie du mot «␣ nouvelle␣ » (genre littéraire
mais aussi fait donné à connaître au public), d’autre part la proximité qui
existait autrefois, dans un même support de presse écrite, entre informations
factuelles et nouvelles littéraires que les journaux publiaient alors abondamment.
Mais ce qui nous conduit ici à rapprocher ainsi le fictionnel du journalistique,
c’est d’abord cette impression d’évidente proximité entre la nouvelle et le fait
divers, proximité déjà diversement étudiée par ailleurs 8 , mais qui saute aux yeux
(ou aux oreilles) lorsque l’on découvre les nouvelles primées par le concours «␣ Polar␣
». Un seul exemple : «␣ XS et Zabi␣ », le texte qui a remporté le premier prix de
ce concours radiophonique, met en scène deux adolescents balançant un bloc de
béton sur un train qui passe en contrebas d’un pont. Pareil scénario n’est pas
inconnu du public belge, même si celui-ci n’est pas exclusivement composé d’auditeurs
noctambules de la RTBF. Et pour cause : il s’agit là d’un fait divers qui avait
abondamment occupé la chronique quelques mois auparavant et dont l’approche
fictionnelle que fournit ici la nouvelle apparaît comme une espèce de contrepoint
aux textes journalistiques produits sur le sujet. Contrepoint d’autant plus
passionnant que la nouvelle fait l’ellipse du fait divers en soi (le moment précis
où le bloc est balancé par-dessus la balustrade) pour nous narrer son origine et ses
conséquences.
Selon Pierre Waaub, l’un des lauréats du concours «␣ Polar␣ », il s’agit en fait,
pour produire de tels textes, de «␣ faire les poubelles […], glaner ce que tout le
monde laisse traîner, rassembler quelques objets trouvés, leur donner une
deuxième vie␣ ».
Ce rapport à l’actualité est cependant le fruit d’une délicate alchimie, remarque
Dominique Vasteels, l’organisatrice du concours. Parmi les cinquante nouvelles
présélectionnées lors de l’édition ’96 que nous évoquons, une dizaine environ
se déroulaient dans le milieu scolaire, qui avait abondamment occupé l’actualité
sociale de l’année. Le hasard a cependant voulu que le jury final se réunisse
le lendemain du jour où un adolescent a été abattu par un condisciple dans
une école bruxelloise. «␣ Aucun texte relatif au monde enseignant ne fait partie
des dix nouvelles primées␣ », note Dominique Vasteels qui faisait également partie
du jury. «␣ Il eût semblé inopportun, à ce moment-là, de mêler école et polar…␣ ».
UN MÉDIA PARTICULIER
Fût-elle mesurée, cette influence de l’actualité sur le contenu des nouvelles
radiophoniques est sans doute l’un des éléments qui amène à justifier notre compa-