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La nouvelle de langue française, aux frontières des ... - L'esprit Livre

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ÉVELYNE BALLANFAT 403<br />

<strong>nouvelle</strong>s qui atten<strong>de</strong>nt – ou attendaient – régulièrement une <strong>de</strong>s <strong>nouvelle</strong>s facettes<br />

d’un même auteur. Combien <strong>de</strong> <strong>nouvelle</strong>s <strong>de</strong> Maupassant, pour ne citer<br />

que lui, ont ainsi paru, fractions d’un tout fragmenté, éléments d’un puzzle littéraire<br />

dont la vision d’ensemble constitue l’univers d’un auteur.<br />

Le feuilleton télévisé, cousin médiatique actuel, répond-il à la même attente et<br />

provoque-t-il les mêmes réactions chez les spectateurs que chez les lecteurs du<br />

passé ? Même impatience, sans doute, mais échange bien différent, à supposer<br />

qu’il y en ait lorsque la famille croque les chips en silence <strong>de</strong>vant l’écran. Imaginerait-on<br />

que la mort d’un héros <strong>de</strong> Dallas fasse mettre à ses fans un liseré noir en<br />

signe <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil comme ce fut le cas lorsque Conan Doyle mit fin à l’existence<br />

fictive <strong>de</strong> Sherlock Holmes ? – <strong>de</strong>uil national au point qu’il dut le faire ressusciter.<br />

Le relais <strong>de</strong> cet échange, aussi quotidien et vivant que la rencontre chez le<br />

boulanger, n’est donc pas pris par le feuilleton télévisé. Les raisons <strong>de</strong> cette différence<br />

sont multiples et relèveraient d’une autre analyse. Ce qui nous importe ici,<br />

ce n’est pas <strong>de</strong> savoir si littérairement un autre support est capable ou non <strong>de</strong><br />

remplacer le feuilleton mais <strong>de</strong> créer une animation réelle autour <strong>de</strong>s <strong>nouvelle</strong>s.<br />

Lorsqu’un auteur entre dans l’édition par la parution d’un recueil, il s’assimile<br />

plus au romancier dans son rapport <strong>aux</strong> lecteurs qu’au feuilletoniste. Il livre son<br />

mon<strong>de</strong>, la globalité d’un continent, même s’il ne s’agit pas <strong>de</strong> l’univers tout entier,<br />

que le lecteur s’approprie dans une exploration continue. Il n’y a pas cette<br />

sorte <strong>de</strong> vie au jour le jour <strong>de</strong>s épiso<strong>de</strong>s.<br />

Or la revue pourrait bien venir s’inscrire dans ce qui a longtemps été un no<br />

man’s land, voire un désert : l’entre-<strong>de</strong>ux à la fois proche <strong>de</strong> l’actualité et la révélation<br />

embryonnaire d’un mon<strong>de</strong>. C’est ainsi qu’à Nouvelle Donne, nous avons,<br />

dans un numéro récent, pris le parti <strong>de</strong> publier <strong>de</strong>ux <strong>nouvelle</strong>s par auteur pour<br />

permettre d’amorcer chez le lecteur le désir <strong>de</strong> parcourir plus avant le champ<br />

d’écriture d’un même nouvelliste.<br />

Quelle est en effet la légitimité d’une revue par rapport <strong>aux</strong> lecteurs si elle ne<br />

remplace ni le journal ni le recueil ? plus simplement encore, à quoi sert-elle ? Si<br />

l’on <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à quelqu’un, presque par hasard, quels sont pour lui les auteurs <strong>de</strong><br />

<strong>nouvelle</strong>s qu’il connaît, à moins d’avoir affaire à un amateur confirmé, souvent<br />

auteur lui-même, on obtiendra presque toujours : Maupassant, Edgar Poe et Buzzati.<br />

Avec l’immense respect que l’on doit à <strong>de</strong> tels maîtres, il ne nous semble pas<br />

possible <strong>de</strong> nous en contenter et ce pour plusieurs raisons. Est-il acceptable que<br />

ces grands arbres du passé cachent la forêt <strong>de</strong>s créations contemporaines ? N’estce<br />

pas une manière d’émousser son acuité littéraire comme d’aucuns ne sortiraient<br />

pas du Requiem <strong>de</strong> Mozart ? D’autre part, si l’œuvre littéraire, ou artistique,<br />

se doit d’échapper <strong>aux</strong> critères <strong>de</strong> sa pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> production et pouvoir encore<br />

donner <strong>de</strong>s réponses à d’autres que ses contemporains, n’est-il pas indispensable<br />

aussi <strong>de</strong> se pencher, en tant que lecteur, sur ce que produit sa propre époque ?<br />

L’attente ne sera pas la même que pour un texte déjà éprouvé, passé au travers <strong>de</strong><br />

diverses grilles interprétatives. Elle sera la quête d’une sensibilité littéraire traduc-

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